Nécessaires questions sur la bioéthique
La brebis Dolly, premier clône officiel, le gêne du cancer et les cellules souches, voici des thèmes qui seront abordés dans le cadre des conférences données à Supbiotech, à venir prochainement. Pierre OUGEN, enseignant, revient sur les concepts qui vont être developpés par les intervenants. :
Pierre OUGEN, qu’est-ce que la bioéthique, pourquoi nous concerne t’elle tous ?
Pour comprendre pourquoi la bioéthique nous concerne tous, il suffit de se plonger dans « Bienvenue à Gattaca » ou «Le meilleur des mondes ». Les problèmes soulevés dans ces œuvres de fiction, à l’époque, sont devenus des enjeux réels. La bioéthique est une partie de l’éthique : elle est une recherche de normes morales applicables aux sciences du vivant, y compris la médecine. Le terme « éthique » provient du grec êthos qui renvoie au comportement, aux mœurs. Il s’agit donc, au sens strict, d’une réflexion critique sur les comportements et les attitudes qu’on adopte dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. De plus, la bioéthique a vocation à être pluridisciplinaire, puisque sa portée s’étend aussi bien à la médecine et à la biologie qu’à la philosophie, au droit, à la théologie, etc.
Pourquoi se soucier de la moralité de la science ?
La science en elle-même n’a pas pour tâche de définir les valeurs humaines. Elle doit donc être confrontée aux autres sciences, notamment aux sciences humaines, et l’homme doit aborder la question du sens et des conséquences des progrès scientifiques. La bioéthique est la recherche des réponses à ces questions. Les techniques nouvelles dans la science, en R&D, tant qu’elles touchent aux fondamentaux de l’homme, ne soulèvent pas de questions (élaborer le premier antibiotique, poser une prothèse de hanche). Le vrai débat surgit dans le domaine applicatif : en thérapie ou en diagnostic, lorsque l’homme devient un objet d’expérimentation médicale.
Quand sont apparues les premières règles de bioéthique ?
Les premières règles de bioéthique, tel que l’on définit aujourd’hui ce terme, furent l’œuvre du tribunal de Nuremberg, chargé de juger les médecins nazis. Dans un premier temps, le tribunal constatera l’absence de normes pour pouvoir procéder à ce jugement. Il aurait pu condamner ces médecins au titre qu’ils exerçaient dans un but autre que curatif (il y avait déjà eu de telles condamnations pour des médecins pratiquant des expérimentations, mais jamais à une telle échelle).
Cependant le tribunal décidera de reconnaître la légitimité des essais, puisque la science n’avance que par des expérimentations sur l’homme. Ce n’est que dans le second temps de son raisonnement qu’il pose les règles à suivre pour encadrer cette activité. Ainsi, il énoncera un code déontologique appelé le Code de Nuremberg, composé de dix règles sur l’expérimentation humaine. La première de ces règles est le consentement des personnes ; l’expérimentation doit être nécessaire ; on doit évaluer la proportionnalité entre les risques pour le patient et le bénéfice pour la science ; le but de l’expérimentation doit être scientifique… C’est à ce titre que les médecins nazis seront condamnés, le tribunal jugeant que ces règles qu’il venait d’élaborer tenaient à la dignité de la personne humaine et donc que le principe de non-rétroactivité de la loi pénale ne s’appliquait pas.