Les biocarburants : de Algue à Z

Une équipe de chercheurs met en évidence l’utilisation possible des algues de mer qui polluent nos plages comme sources de bio-carburants. Par Valentin Parat, Vanessa Pasquali et Orlane Thoré (promotion 2013).

Depuis le début des années 1970, les zones côtières françaises, et plus particulièrement la Bretagne, sont touchées par des marées vertes. Jusqu’à présent, perçu comme un fléau dévastateur, ce phénomène semble désormais intéresser les scientifiques. En effet, dans le souci de se débarrasser de ces algues polluant nos plages et les écosystèmes, ces derniers envisagent aujourd’hui d’utiliser ces « laitues de mer » pour produire des biocarburants.

maréeverte2.jpg Bien que la production de bioéthanol à partir de microalgues ou d’algues brunes soit déjà le fruit de nombreuses études, notamment aux Etats-Unis, il semblerait que ce soit la première fois que des scientifiques s’intéressent à un problème écologique dans le but de le valoriser d’un point de vue énergétique.

Destruction du microsystème aquatique

Ce phénomène de prolifération des algues vertes de la famille des ulves – Ulva armoticana et U. Rotundata – ne touche pas uniquement la France. En effet, l’ensemble des pays du monde possédant des zones côtières où l’agriculture est en plein essor est aujourd’hui touché. Il a été mis en évidence par des équipes de chercheurs, notamment celle d’Alain Ménesguen* de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer (Ifremer), que ce phénomène est lié à un rejet d’engrais et de pesticides riches en nitrates dans les nappes phréatiques qui alimentent les cours d’eau se déversant dans la mer. Il en résulte une eutrophisation des écosystèmes, c’est-à-dire une destruction d’un microsystème aquatique par prolifération d’algues planctoniques. Les ulves en putréfaction sur nos plages dégagent de l’hydrogène sulfuré (H2S) qui, en plus d’être un gaz à effet de serre, se révèle être mortel pour l’homme lorsqu’il l’inhale en provoquant chez lui des œdèmes pulmonaires, selon l’INRS**. Ce gaz est en effet létal en une minute pour des valeurs d’environ 1 700 parties par million. Or, les taux relevés sur les sites touchés par les marées vertes avoisinent cette limite. C’est une des raisons qui a conduit le gouvernement à légiférer, le 3 février 2010, pour débloquer 134 millions d’euros afin d’organiser le ramassage des algues et réduire en amont les causes de la prolifération, à savoir les activités agricoles de la région.

Une solution majeure pour remédier à ce problème et valoriser cette matière première à haut potentiel énergétique est venue du Danemark. Le professeur Michael Bo Rasmussen*** est déjà passé aux tests. Avec son équipe de chercheurs, il a mis l’ulve à l’épreuve afin d’estimer ce qu’il était possible d’en tirer, notamment à partir des hydrates de carbone, substrats utilisés pour la production de bioéthanol qui se trouvent en grande proportion dans l’algue. Le blé, qui est également utilisé pour produire ce biocarburant, ne fait pas le poids face à la laitue de mer, qui gagne sur tous les tableaux. L’algue doublant son poids tous les trois à quatre jours, celle-ci croît beaucoup plus rapidement que le blé, et à surface égale, la production de biomasse est considérable. Elle est constituée principalement de cellulose (un polymère de glucose) et d’hémicellulose (un polymère de xylose). Pour produire du bioéthanol, ces composants doivent dans un premier temps être convertis en sucres simples par hydrolyse (réaction consistant à rompre les longues chaînes de polymères). Si l’hydrolyse acide (traitement à l’acide sulfurique à haute température) est déjà aujourd’hui appliquée à l’échelle commerciale dans différents domaines, l’hydrolyse dite enzymatique semble toutefois offrir un meilleur potentiel, en termes de coûts et de durabilité. Les scientifiques ne s’arrêtent pas là car ils ont remarqué, via l’utilisation de tests en laboratoire, que la croissance des algues est considérablement accentuée par des apports en dioxyde de carbone (CO2). Ce gaz, largement excédentaire, pourrait être récupéré dans des installations industrielles et permettre le recyclage total des déchets engendrés par l’activité humaine, limitant ainsi la production de gaz à effets de serre comme le CO2 et le H2S.

Un coût plus important

Il ne faut cependant pas oublier l’aspect économique de ce problème. En effet, la production d’un litre d’algocarburant reviendrait à 45 centimes, alors qu’un litre de carburant classique coûte aujourd’hui 23 centimes. De plus, cette alternative ne pourrait être rentable que si le cours du baril de pétrole dépassait 100 dollars le baril à long terme. Or il n’est à l’heure actuelle que de 80 dollars. Bien que les carburants de troisième génération issus des micro-organismes soient en pleine définition, ceux de la deuxième génération issus de la fermentation des végétaux semblent encore être très riches d’enseignements.

L’idée d’utiliser les algues plutôt que les céréales présente des avantages incontestables. Non seulement cela évite la compétition avec les cultures vivrières, comme c’est le cas aujourd’hui avec les céréales dont les cours flambent en même temps que ceux des terres agricoles, mais en plus cela permet de se débarrasser des ulves polluant nos plages.

*Alain Ménesguen est directeur du laboratoire d’écologie benthique de l’Institut Français de Recherche pour l’Exploitation de la Mer et auteur de l’étude intitulée « les marées vertes en Bretagne : la responsabilité des nitrates » de juin 2003.

**INRS : Institut National de Recherche scientifique rédacteur de la fiche toxicologique de l’hydrogène sulfuré en 1997.

***Michael Bo Rasmussen : Professeur de l’Université de Recherche Environnementale d’Arrahus

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