Transformation numérique : quel avenir pour les futurs ingénieurs de Sup’Biotech ?
Le jeudi 10 octobre, en préambule de son SB Career Day réunissant de nombreuses entreprises, Sup’Biotech organisait une table-ronde pour tenter d’analyser les défis qu’auront à relever les ingénieurs à l’horizon 2030 avec la transformation numérique. L’événement a permis aux étudiants d’approfondir de nombreux sujets grâce au regard éclairé de trois professionnels : Arnaud Bonnafoux, fondateur et CSO de Vidium Solutions, Ludovic Barthalot (Sup’Biotech promo 2016), chef de projet e-santé chez WeHealth Digital Medicine et Amadou Tall, Business Developer chez Kelly Services.
De gauche à droite : Amadou Tall, Arnaud Bonnafoux et Ludovic Barthalot
Un besoin fort en profils compétents
« Les sciences du vivant sont très en retard sur la transformation digitale. » Dès le début de la table-ronde, Amadou Tall dressait un constat sévère, mais réaliste, sur l’état des entreprises françaises évoluant dans le secteur de la biologie au sens large. « Rares sont les services de ressources humaines qui viennent me voir pour me demander 15 data scientists, poursuivait l’employé de Kelly Services, une société justement spécialisée dans l’accompagnement de recrutement de collaborateurs. Aujourd’hui, ce secteur est en retard par rapport à la finance et la banque par exemple. Cela se traduit par un chiffre éloquent : moins de 4% des talents en intelligence artificielle (IA) évoluent dans les life sciences ! En France, ce manque de compétences est estimé à 250 milliards d’euros dans les 15 ans qui viennent. » Pour lui comme les autres intervenants, ce problème bien réel peut s’expliquer en partie par l’attachement de la France au principe de précaution. « L’éthique va ralentir les évolutions, juge ainsi Ludovic Barthalot dont la structure WeHealth Digital Medicine développe de nouvelles solutions digitales permettant notamment d’améliorer la prise en charge du patient et le parcours de soin. Mais cela passe aussi par un manque de communication, dans les entreprises comme les hôpitaux, sur l’importance du numérique. Dans le milieu de la santé, il faut désormais des équipes expertes capables de communiquer entre elles pour analyser et interpréter des résultats, notamment avec les futurs algorithmes prédictifs sur les diagnostics. Or, il y a aussi une peur de la suppression des emplois liée aux nouvelles technologies, notamment chez les médecins. Pourtant, cette peur est infondée : le métier se transforme simplement et cette évolution permet un retour à la relation avec le patient. L’IA permet juste un diagnostic plus rapide, mais la prise de décision revient toujours au médecin, qui a encore plus de temps désormais pour construire une relation de confiance avec le patient. »
Devenir proactifs pour avancer
Si retard il y a, comment le rattraper ? À cette question, les professionnels se rejoignent tous : par la formation des futurs ingénieurs. Les jeunes générations doivent ainsi choisir leur école d’ingénieurs en optant pour celles qui ont su adapter leur cursus à cette transformation, mais aussi être en position d’apprendre par eux-mêmes. « Il faut être curieux, lançait Amadou Tall aux étudiants. Vous devez êtes conscients des changements de vos futurs métiers, être proactifs et ne pas attendre que ces informations viennent de l’école ou d’ailleurs ! Et c’est pareil pour un sujet comme l’IA : vous devez vous former au machine learning, au data mining… quitte à le faire de votre côté, sur Internet. Dans l’IA, il n’y a rien d’intelligent s’il n’y a pas d’humain ! » Un avis partagé par Arnaud Bonnafoux, ancien ingénieur aéronautique ayant choisi de se reconvertir dans les biotechnologies en créant Vidium Solutions, une entreprise qui cherche à mieux comprendre le ciblage génétique : « C’est à vous de réclamer, de faire remonter le besoin également, mais vous n’avez pas à devenir des geeks non plus ! L’ingénierie va naturellement à la biologie. Les outils numériques ne vont pas vous remplacer, ils vous donneront un gain de productivité ! » Un gain d’autant plus important que, selon Ludovic Barthalot, les étudiants d’aujourd’hui baignent déjà sans le savoir dans un environnement idéal pour se dépasser et s’adapter aux futurs enjeux : « Comme vous vivez déjà dans le numérique, votre génération a une plus une grande facilité à appréhender ce monde ! Profitez-en ! »
Valoriser l’équipe et le partage
Enfin, selon le trio réuni par l’école, la transformation numérique impose aussi de remettre désormais la collaboration au cœur des processus. « Vous devez surtout passer outre la formation en silos, très fréquentes en France, pour privilégier le dialogue et le fait d’échanger avec des personnes différentes, insiste Ludovic Barthalot. La communication, c’est un gros souci, y compris dans l’écosystème des startups, où l’on va avoir parfois peur de parler de son expertise. » Pour Arnaud Bonnafoux, ce lien à recréer devient incontournable : « Travailler chacun dans son coin, ce n’est plus possible, surtout quand le travail porte sur un sujet complexe comme le corps humain : il faut de l’expertise pointue et du partage pour obtenir une vision cohérente. » La vision, c’est l’essence de cette transformation. « On attend des ingénieurs qu’ils aient une vision systémique, une vision globale de la complexité, tout en étant aussi centrés sur l’utilisateur, le client ou le patient », conclut Ludovic Barthalot.
Emmanuel Hivert, directeur du développement stratégique de Sup’Biotech, Frederique Buil, directrice des Relations Entreprises et Vanessa Proux, directrice générale de l’école lors de l’événement
L’ingénieur de 2030 vu par Vanessa Proux, directrice générale de Sup’Biotech :
« Récemment, l’Institut Mines-Télécom et le Pôle interministériel de prospective et d’anticipation des mutations économiques (Pipame) ont dévoilé deux études abordant le futur de l’ingénieur. Les deux nous expliquent qu’avec l’accélération des progrès technologiques et via la transformation digitale, on pourra encore mieux comprendre le monde qui nous entoure et l’analyser. L’ingénieur de demain aura de nombreuses missions à mener. Il devra d’abord faire face à la globalisation des mutations économiques et à la raréfaction des ressources. Il devra ensuite continuer d’étoffer son expertise scientifique, en la faisant progresser de nouvelles connaissances et techniques tout au long de sa vie, chez lui ou au sein de son entreprise. Il devra également développer de nouvelles compétences, davantage axées sur le comportemental, à travers la règle des « 4C » : la Communication (plus grande ouverture sur l’humain), la Créativité, la Coopération (horizontalisation, culture réseaux) et l’esprit Critique. L’ingénieur de 2030 devra aussi être connecté aux autres cultures, les défis à relever touchant toute la planète. Il aura aussi à intégrer dans son quotidien professionnel des enjeux éthiques, sociétaux et réglementaires. Pas juste des enjeux techniques. Enfin, il devra probablement baigner parmi les huit grands axes technologiques d’avenir au cœur de l’usine 4.0 : le Big Data, la cybersécurité, l’IA, le cloud, la robotique, l’IoT, la réalité augmentée et la simulation. »