Polyphénols du vin rouge et maladies cardiovasculaires

Dans les années 1980, statisticiens et cardiologues, tels que le Pr Serge Renaud de l’Université de Bordeaux, ont observé que malgré une alimentation plus riche en graisse que la moyenne européenne, le taux de cholestérol sanguin des Français n’est pas plus élevé qu’ailleurs : c’est le « french paradox ». Sachant que les maladies cardiovasculaires représentent la première cause de décès dans le monde, cette originalité suscite l’intérêt de nombreux scientifiques qui se mettent à étudier de près les habitudes alimentaires des français. Ce pourrait-il qu’après 30 ans de recherche, ce paradoxe  offre la possibilité d’établir de nouvelles thérapies contre les maladies cardiovasculaires ?  Par Masaya OSHIMA, Laurent PONCE, Tiffany SOUTERRE, promotion 2013

Le vin rouge, un acteur clé

Un critère distingue la France des autres pays : sa consommation de vin hors pair, avec une moyenne de 54 litres de vin par habitant et par an, d’après une étude de l’Insee de 2008. L’équipe du Pr Serge Renaud a donc effectué une étude, de 1978 à 1983, sur 36 250 Français dont 28 % buvaient de la bière, 61 % du vin et 11 % d’abstinents. Une tendance est ressortie de cette étude : la consommation de vin réduit fortement le taux de décès par maladies cardiovasculaires(1).
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L’hypothèse privilégiée par les chercheurs trouve sa source dans les composantes du vin contenant près de 200 polyphénols* différents. Les polyphénols ne sont pas spécifiques au vin rouge. Surtout présents dans les végétaux, ils composent une grande partie de notre alimentation comme les légumes, le chocolat, le thé et certains fruits dont le raisin(2). De plus, ils n’ont pas tous les mêmes propriétés. Ainsi, ceux contenus dans la peau de raisin sont particulièrement connus pour leurs effets antioxydants, mis en évidence grâce aux études publiées par Emile Andriambeloson en 2007(3). Pendant longtemps, l’étude d’un polyphénol particulier, le resvératrol, a été privilégiée ; ce dernier étant très abondant dans le vin. L’action cardio-protectrice du resvératrol a été mise en évidence par l’équipe du Dr Frankel en 1993. La consommation de resvératrol permettrait à l’organisme de réduire l’oxydation les lipoprotéines de type LDL (Low Density Lipoprotein), responsable de la formation du cholestérol (4).
 
Le « french paradox» dévoilé ?
 
Jusqu’ici, le « French Paradox » reposait sur des études épidémiologiques. Bien que très nombreuses, ces études ne suffisent pas à expliquer pourquoi la consommation modérée de vin rouge est associée à une réduction du risque de maladies cardiovasculaires. Les polyphénols, dont le resvératrol, sont depuis longtemps identifiés comme étant des acteurs de ce paradoxe, mais leurs mécanismes d’action restaient jusqu’alors mystérieux. Cependant, Andriantsitohaina Ramaroson, directeur de recherche au sein du laboratoire « Biologie neuro-vasculaire intégrée », et son équipe (unité mixte de recherche CNRS 6214/Inserm 771, Université d’Angers) ont réussi à lever le voile, dans leur publication de janvier 2010(5), sur les interrogations que suscitait ce « french paradox ».
 
L’hypothèse d’Andriantsitohaina Ramaroson repose sur la similitude qui existe entre la structure de certains polyphénols et les œstrogènes. En effet, les polyphénols, notamment le resvératrol et la delphinidine, activeraient les sous-types α du récepteur aux œstrogènes induisant la production de monoxyde d’azote par les cellules endothéliales*. L’activation de la voie de biosynthèse du monoxyde d’azote dans les cellules endothéliales induit par la suite une réduction du risque de maladies cardiovasculaires.Cette découverte ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques avec notamment la création de médicaments destinés à la prévention de maladies cardiovasculaires.
 
Des perspectives intéressantes : les OGM
 
La révélation progressive des mécanismes d’action des polyphénols conduit à une mise en avant des aliments comme le vin et le chocolat. Cette percée scientifique profite également au marché des suppléments et aussi à de nouveaux procédés de fabrication pour les aliments. Les Organismes Génétiquement Modifiés (OGM) sont aussi de la partie. Dans le cadre du projet européen Flora visant à établir le lien entre régime alimentaire et santé, ainsi que les effets bénéfiques des flavonoïdes (une subdivision des polyphénols) sur les maladies, des scientifiques ont réussi à mettre au point une tomate à haute teneur en anthocyanines, des antioxydants de la classe des flavonoïdes(6).
 
Accroître la concentration de flavonoïdes, solubles dans l’eau, serait bénéfique non seulement à cause des propriétés individuelles de ces composants, mais également parce qu’on estime que la combinaison dans l’alimentation d’antioxydants solubles dans l’eau et d’autres dissous dans la graisse offre une plus grande protection contre les maladies cardiovasculaires. Pour l’heure, aucune étude scientifique n’a encore démontré que la consommation de ces OGM comportait plus de risques que la consommation d’aliments traditionnels. Mais des organismes scientifiques, comme la British Medical Association, sont d’avis qu’une alimentation variée reste encore le moyen le plus efficace de consommer une grande diversité de polyphénols.
 
 * Les polyphénols sont caractérisés, par la présence de plusieurs groupements phénoliques associés en structures plus ou moins complexes généralement de haut poids moléculaire. Ces composés sont les produits du métabolisme secondaire des plantes qui ont un rôle d’antioxydants naturels.
 
  * L’endothélium est la couche la plus interne des vaisseaux sanguins en contact avec le sang.

(1)    Serge C., Wine, Beer, and Mortality in Middle-aged Men From Eastern France, Internal Medicine, Septembre 1999, p1

(2) Nicolas Güggenbühl, Les polyphénols sont à la fête, Health and Food, Décembre 2003, p.1

(3) Andriambeloson E., Nitric oxide production and endothelium-dependent vasorelaxation induced by wine polyphenols in rat aorta, British Journal no6, 1997, p.2

(4) Frankel, Waterhouse, Kinsella, Inhibition of human LDL oxidation by resvératrol, Lancet, Avril 1993, p.1

(5) Matthieu Chalopin, Estrogen Receptor Alpha as a Key Target of Red Wine Polyphenols Action on the Endothelium, PLoS ONE, Janvier 2010, p.3

(6) Eugenio Butelli, Enrichment of tomato fruit with health-promoting anthocyanins by expression of select transcription factors, Nature Biotechnology, Octobre 2008, p.2

 

 

 

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