La bio-informatique à Sup’Biotech
Interview de Jean-Yves Trosset, le responsable du BIRL, le laboratoire de bio-informatique de l’école.
Qu’est-ce que la bio-informatique ?
La bio-informatique est la rencontre des technologies de l’information avec la science du vivant. Elle est à la croisée des chemins entre la biologie, la chimie, la physique, les mathématiques appliquées et l’informatique. Tout projet commence par une recherche d’information. L’un des buts de la bio-informatique est de croiser les données existantes pour inférer de nouveaux développements dans la science du vivant. Une approche consiste à simuler des processus vivants sur ordinateur pour diriger la recherche expérimentale vers les voies les plus prometteuses.
La bio-informatique s’intéresse dans un premier temps à l’étude du génome, de l’homme, mais aussi celui de parasites ou de micro-organismes présents dans les sols. Le but de ces recherches est de trouver par exemple de nouvelles cibles thérapeutiques pour lutter contre certaines maladies comme le paludisme ou pour chercher des signatures génomiques d’un ou plusieurs organismes présents dans certains milieux sous certaines contraintes comme des conditions climatiques extrêmes par exemple.
La biologie et la chimie informatiques permettent aussi de modéliser et prédire le fonctionnement de nouveaux organismes dans le but de dégrader des produits polluants ou de leur faire synthétiser des molécules thérapeutiques.
Une autre branche que l’on appelle la bio-informatique structurale consiste à étudier la structure tridimensionnelle des macromolécules biologiques et leurs interactions avec les petites molécules chimiques – clé de voute de la recherche pharmaceutique.
Comment enseigne-t-on la bio-informatique ?
L’enseignement de la biologie et chimie informatique a pour but de former les étudiants à la recherche et au traitement de l’information. Cette compétence est utile dans tous les domaines de la recherche abordés à Sup’Biotech : cosmétique, pharmaceutique, agro-alimentaire et environnement. Les premières années sont dédiées aux techniques de programmation et à la recherche de données sur le web. L’initiation à la recherche en bio-informatique se fait en 3e année à travers le projet « fil rouge ». C’est un travail d’équipe qui consiste à utiliser les notions et techniques vues en travaux pratiques, pour un vrai projet de recherche. Chaque session hebdomadaire de travaux pratique aborde un sujet particulier de la bio-informatique : comparaison de gènes dans les génomes, étude structurale des protéines, recherche d’inhibiteurs, etc.
Cette année, le thème est centré sur les maladies infectieuses – antivirus, antibactériens, antiparasites. L’exercice consiste à vérifier par simulation ou confrontation de données si des médicaments utilisés dans un domaine thérapeutique donné (cancer, maladie d’Alzheimer, oestéoporose, etc.) peuvent être reconvertis dans une des maladies infectieuses : SIDA, Hépatite C, paludisme… Les étudiants doivent mettre en place une stratégie de recherche en choisissant la cible moléculaire adéquate, c’est à dire le récepteur protéique de la souche bactérienne ou du virus qui soit le plus ressemblant au récepteur présent chez l’homme. Il s’agit ensuite de modifier les molécules correspondantes pour les rendre actives dans l’organisme ciblé.
A travers ce thème de recherche, ils apprennent à utiliser les bases de données biologiques, les serveurs de bio-informatiques libre d’accès et les logiciels commerciaux utilisés dans l’industrie pharmaceutique et disponibles au laboratoire BIRL. Cette approche « expérimentale » de la bio-informatique en 3e année a pour but de faciliter l’enseignement théorique de 4e et 5e années tant en bio-informatique qu’en bio-statistique et analyse de données.
Quels types de logiciels utilisez-vous?
Les logiciels existants sont nombreux et complémentaires. Pipeline Pilot est une plateforme multidisciplinaires permettant l’analyse de gros volumes de données diverses. FLO+ est une plateforme de criblage, de novo design (ndlr conception et synthèse de nouvelles molécules) et de recherche systématique d’analogues assistée par des bases de données de médicaments et de fragments chimiques. Star-Drop est une plateforme pour prédire les affinités et le potentiel de toxicité des nouvelles molécules thérapeutiques. MED-SuMO est une plateforme pour comparer les cibles thérapeutiques et rechercher de nouveaux inhibiteurs par hybridation de molécules connues.
Nous utilisons aussi les serveurs de calcul du domaine public. Enfin, nous développons les logiciels pour des problèmes très spécifiques en chimie informatique. L’utilisation de ces logiciels de pointe donnera aux étudiants la possibilité de répondre aux exigences variées des entreprises de biotechnologies qui sont toujours à l’affût de profils possédant en plus du socle fondamental de connaissance, ce type de compétence rare et à forte valeur ajoutée.
Concrètement, quelles perspectives ouvre la bio-informatique pour les étudiants ?
Lors de cette formation, les étudiants sont initiés à la recherche mais on ne leur demande pas de sortir un médicament en trois mois. Rien ne les empêche de trouver de nouvelles pistes thérapeutiques et d’utiliser ces informations pour construire des preuves de concepts et consolider ainsi leurs projets innovants (« Sup’Biotech Innovation Project »).
La bio- et chimie-informatique est la phase initiale à toute activité de recherche dans les domaines de la science du vivant. La facilité avec laquelle se déploient les solutions informatiques a rendu la bio-informatique accessible au grand public : du chercheur en biologie cherchant la fonction d’un nouveau gène au chimiste établissant une voie de synthèse, les outils de bio-informatiques sont devenus indispensables à tous les niveaux de la recherche. La diversité de la bio-informatique répond aux différents domaines des biotechnologies. Cette approche transverse, et notamment celle entretenue entre la bio-informatique et l’intelligence économique, permet de développer de nouvelles plateformes pour optimiser la compétitivité dans les biotechnologies.