« Vivre sur Mars » : ne manquez pas la conférence de l’astrobiologiste Cyprien Verseux (promo 2013), le mardi 10 octobre 2017 à Sup’Biotech !
Le mardi 10 octobre 2017, l’astrobiologiste Cyprien Verseux (Sup’Biotech promo 2013) sera présent sur le campus de l’école pour une conférence exceptionnelle autour de son livre événement « Vivre sur Mars » (Éditions Michel Lafon). Ce dernier retrace la mission HI-SEAS IV de la NASA à laquelle cet Ancien a pris part durant un an avec cinq autres scientifiques.
Conférence « Vivre sur Mars » avec Cyprien Verseux
Le mardi 10 octobre 2017 à 10 h sur le campus de Sup’Biotech
66 rue Guy Môquet
94800 Villejuif
Accès :
Métro Ligne 7 : station Villejuif Paul Vaillant Couturier
Bus 47, 125, 131 et 185 : arrêt Roger Salengro / Bus 186 : arrêt Pierre Brossolette
Voiture : périphérique – sortie Porte d’Italie
Envie d’en savoir plus sur « Vivre sur Mars » ? Découvrez l’interview accordée par Cyprien à Sup’Biotech
Inscription obligatoire (dans la limite des places disponibles) auprès d’Agathe Brajou, responsable de la communication de Sup’Biotech, par mail à [email protected]
Et en attendant de pouvoir venir à sa rencontre, Sup’Biotech vous propose en exclusivité quatre extraits de « Vivre sur Mars », sélectionnés par l’auteur lui-même.
Elle nous rappelle que notre aventure sera historique : ce sera la plus longue simulation d’une mission spatiale financée par la NASA. Les prochaines simulations du programme dureront huit mois au plus. Je lui demande, du ton le plus sérieux possible : « Ah, donc il suffit que l’on tienne huit mois et un jour, et on peut revenir en héros ? » Elle répond sur le même ton : « Si vous faites ça, je m’arrange pour que la prochaine mission dure huit mois et deux jours. » Kim est familière du second degré (ce qui m’évite de passer pour un excentrique ou un demeuré, comme cela m’arrive fréquemment), et nos conversations glissent souvent dans l’absurde.
J’ai la tête plaquée au sol. Seule la visière de ma combinaison me sépare de la roche froide. Mon visage est plus bas que mes jambes et le sang afflue dans mes tempes. J’essaie de ramper vers les profondeurs de ce passage étroit, mais des lames de pierre retiennent ma combinaison. L’obscurité est totale. Je ne distinguerais pas ma main à deux centimètres de mes yeux. Ma lampe de poche est sur mon poignet gauche ; je voudrais éclairer le passage, mais mon bras est bloqué le long de mon corps. De toute façon, je ne peux pas regarder autour de moi : la roche maintient ma tête immobile, le menton inconfortablement pressé contre ma poitrine. Je n’ai jamais rien ressenti qui s’apparente autant à de la claustrophobie. J’arrête de me débattre et inspire aussi profondément que possible, emplissant le tunnel de ma cage thoracique. Ralentir mon rythme cardiaque. M’apaiser pour réfléchir. Je ne peux pas faire demi-tour : remonter ce trou depuis ma position serait impossible. Impossible également de demander de l’aide à Christiane puisque le micro de ma radio s’est détaché. De toute façon, je vois mal comment elle pourrait m’aider : je suis enfoncé de plusieurs mètres dans ce terrier.
Il nous reste quelques heures pour faire des courses de dernière minute : des kilomètres de papier toilette, des litres de dentifrice, des poignées de lames de rasoir, suffisamment de galettes de maïs sous vide pour amortir une chute du deuxième étage, des batteries… et, pour Carmel et moi, des ukulélés. Si vous ne voyez pas vraiment ce qu’est un ukulélé, pas d’embarras. Vous me l’auriez demandé il y a un mois, je vous aurais sans doute répondu : « Ah oui, c’est pas la toute petite guitare dont joue l’énorme type qui chante au-dessus d’un arc-en-ciel ? » Et encore, c’est si j’avais été en forme. Remarquez, je n’aurais pas eu tout à fait tort : l’ukulélé classique ressemble effectivement à une minuscule guitare dont on aurait arraché deux cordes. Il est né à Hawaï au XIXe siècle, inspiré des machetes amenées par des migrants portugais. Avant la mission, jouer de l’ukulélé n’était pas vraiment dans mes plans (pas dans mes cordes non plus, mais je vous épargne le jeu de mots douteux). Pour être honnête, mes talents en musique étaient à peu près aussi développés que mes talents en danse classique – et je peux trébucher sur un sol plat en ligne droite. Mais en parlant d’en acheter un, Carmel a éveillé ma curiosité. Après tout, c’est un instrument idéal pour une mission sur Mars. Si vous débarquez sur la zone de lancement avec un orgue, par exemple, je suis désolé, mais je doute que votre agence spatiale vous prenne au sérieux : l’instrument serait quelque peu encombrant dans un vaisseau. De plus, sans vouloir mettre en question vos talents d’organiste, il y a peu de chances que vous deveniez un coéquipier très populaire si vous en jouez tous les jours dans un milieu confiné. Un ukulélé est en revanche petit, compact et relativement peu bruyant. Une autre observation qui m’a convaincu est son allure de jouet : contrairement à une guitare, si j’en rapporte un en France, personne ne s’attendra à une grande performance. Parfait pour quelqu’un qui a mes compétences en musique.
Je fais partie de la génération Y, cette génération à laquelle on reproche souvent d’être paresseuse, indisciplinée et hédoniste. Cette génération dont vous croisez parfois le regard lorsqu’il daigne s’écarter d’un écran d’ordinateur ou de téléphone. Ma génération n’est pas le reflet d’une décadence ou d’une perte de valeurs. Elle est simplement dans l’attente. Elle a accès à des outils dont la génération précédente ne rêvait même pas : ses téléphones sont plus puissants que les ordinateurs utilisés pour rejoindre la Lune, elle peut partager ses idées largement et instantanément sur Internet, et les cours des plus grandes universités sont à portée de ses écrans tactiles. Mais elle est hésitante quant aux problèmes auxquels consacrer sa force. En France, nombre d’entre nous tiennent pour acquis le fait d’avoir un toit et de la nourriture en abondance. Le revers de notre chance, c’est qu’aucun objectif ne devient évident. Les plus entreprenants trouvent une quête parmi les options qui s’offrent à eux : ils militent pour l’environnement, s’engagent dans l’humanitaire ou créent une entreprise innovante. Parmi les autres, nombreux sont ceux qui cherchent, dans leurs sources infinies de distraction facile, le moyen d’oublier qu’ils ne trouvent pas le sens dont ils ont besoin. D’oublier leur sentiment de ne pas progresser mais, simplement, de vieillir. Ma génération a besoin d’objectifs fédérateurs. D’objectifs pour lesquels brûler, pour lesquels unir ses forces et exploiter les outils extraordinaires dont elle dispose. Elle ne veut pas simplement régler les problèmes créés par les générations précédentes, elle veut aussi aller de l’avant. L’un de ces objectifs semble se dessiner : Mars.
Revivez également la mission HI-SEAS IV de Cyprien sur le site de Sup’Biotech à travers la série d’articles que l’école lui a consacré.