« La transmission scientifique et l’enseignement par la recherche sont essentiels »
Incontournable à Sup’Biotech, la recherche se décline de bien des façons, que ce soit à travers ses quatre laboratoires dédiés, la présence de nombreux chercheurs dans son corps enseignant ou encore la formation des futurs ingénieurs en elle-même. Une pluralité nécessaire et complémentaire comme l’explique Frank Yates, directeur de la recherche, enseignant-chercheur et responsable du laboratoire CellTechs.
Frank Yates
En tant que directeur de la recherche, quel est votre rôle ?
Frank Yates : Ma principale mission est de coordonner les activités de tous les laboratoires de recherche de l’école, qui opèrent dans des domaines très différents. Le but est de donner la possibilité à des enseignants-chercheurs de mener des travaux de recherche très prometteurs, mais aussi de faire bénéficier au maximum nos étudiants de ces avancées.
Quand on parle de la recherche, on oppose parfois recherche fondamentale et recherche appliquée. Quel « type » de recherche pratique-t-on dans les laboratoires de Sup’Biotech ?
Les deux ! En effet, il faut se métier de ce distinguo souvent fait entre recherche fondamentale et appliquée car, au fond, la recherche fondamentale finit toujours par être appliquée même si cela peut prendre du temps. Certains travaux de recherche trouvent leur application un an, 10 ans ou 100 ans après l’obtention des résultats ! Il faut avant tout voir la recherche comme une initiatrice d’innovations. D’ailleurs, nos étudiants, en tant qu’ingénieurs en Biotechnologies, vont justement baigner dans l’innovation toute leur vie et être fortement impliqués dans la recherche scientifique sous diverses formes.
Quels genres de travaux sont menés au sein de ces laboratoires ?
Dans le laboratoire CellTechs dont je m’occupe, nos recherches portent sur la conception de « mini-cerveaux » in vitro pour mieux comprendre ce qui se passe dans le cerveau humain lorsqu’il est atteint de pathologies, comme la maladie d’Alzheimer. Nous y parvenons grâce à la biofabrication, c’est-à-dire la génération de tissus humains in vitro en trois dimensions, associée à l’utilisation de nouvelles technologies, comme les cellules souches. Au LRPIA, notre laboratoire dédié à l’agroalimentaire et à l’agriculture, les chercheurs travaillent sur des outils de biocontrôle : ils recherchent des molécules biologiques qui ont le « pouvoir » de tuer les micro-organismes nocifs. Ces molécules trouvées dans la nature permettent de mettre au point des composés actifs respectueux de l’environnement, des travaux récompensés au niveau de la région Île-de-France par le trophée de la bioéconomie 2020, organisé par le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation. Au BIRL, notre laboratoire de bio-informatique, les chercheurs travaillent notamment sur le défi de la bioproduction : comprendre ce qui se passe dans les micro-organismes utilisés en industrie pour mieux en maîtriser la culture. Pour cela, l’informatique est un outil extraordinaire, qui permet de modéliser statistiquement le devenir de chacune de ces bactéries, levures ou micro-algues. Enfin, Enfin, notre laboratoire PBS, dédié aux sciences humaines et sociales, est spécialisé dans l’étude des sciences et des techniques. Le programme de recherche que développe le PBS porte sur les Biotechnologies et les entités qu’elles produisent. Dans ses enquêtes, il s’intéresse aux ressources biologiques en restant au plus près des entités concernées et en les suivant de leur élaboration jusqu’à leurs usages et leur éventuelle mise en marché, principalement dans les domaines biomédical et environnemental. Ce sont tous des projets passionnants !
Pourquoi est-ce justement important pour une école d’ingénieurs de compter plusieurs laboratoires de recherche ?
Les élèves ingénieurs doivent absolument pouvoir côtoyer des chercheurs durant leur cursus. À Sup’Biotech, ils le font quotidiennement, ne serait-ce qu’à travers leurs professeurs qui sont très souvent des enseignants-chercheurs au sein de l’école ou rattachés à d’autres laboratoires extérieurs. La transmission scientifique et l’enseignement par la recherche sont essentiels et cela se fait en plusieurs étapes. Ainsi, la formation à la recherche commence très tôt chez nous, avec de simples travaux pratiques dès la 1re année. Dès la 2e année, les élèves effectuent leur premier stage, ce qui constitue leur première expérience professionnelle, et cela se fait très souvent en laboratoire de recherche académique. Cette première expérience professionnelle n’est pas anodine car elle va imprimer chez eux le goût de la découverte, de l’innovation et de la rigueur scientifique – cette dernière étant une compétence clé de leur futur travail en tant qu’ingénieurs en biotechnologies. Par la suite, durant le reste du cursus et selon leurs opportunités de stages, les étudiants peuvent continuer à travailler dans des laboratoires de recherche, qu’ils soient académiques ou privés/industriels. D’autres poursuivent dans cette voie après avoir été diplômé, en choisissant de devenir doctorants et donc de faire une thèse sur 3 ans. Dans tous les cas, la formation de Sup’Biotech mène à des métiers liés à l’innovation, et donc à la recherche et au développement.
Les laboratoires de Sup’Biotech accueillent-ils également des stagiaires ?
Bien sûr ! On accueille toujours bien volontiers nos étudiants pour travailler dans nos laboratoires de recherche et, chaque année, plusieurs réalisent des stages chez nous. Pour préparer au mieux ces périodes, nous travaillons avec les étudiants ayant postulé pour imaginer ensemble des projets de recherche adaptés à ce qu’ils ont envie de faire plus tard – les Biotechnologies étant un domaine très vaste, il faut être précis. Il nous arrive également de travailler avec certains étudiants tout au long de l’année – cela peut être un jour ou une après-midi par semaine, par exemple – sur des projets très spécifiques, parfois en lien avec des laboratoires partenaires : c’est une vraie force, tant pour les étudiants que pour les enseignants-chercheurs que nous sommes et qui profitons de leur imagination comme de leur énergie. Mais il n’y a pas que les stages qui permettent à nos étudiants de travailler avec nos équipes. En effet, à partir de la 4e année, via les projets fil rouge, les étudiants deviennent autonomes et apprennent à développer leur propre projet de recherche au sein des laboratoires pédagogiques de l’école, sous le tutorat des enseignants-chercheurs. Et il arrive très fréquemment que ces projets fil rouge s’intègrent ensuite aux projets de recherche de nos laboratoires – par exemple, nous avons récemment eu l’occasion de travailler avec des étudiants supervisés par notre laboratoire d’ingénierie agroalimentaire pour publier leurs résultats dans un journal scientifique ! D’ailleurs, Les projets fils rouges existent pour toutes les Majeures de Sup’Biotech et sont évidemment adaptés pour chacune d’entre elles. Le but est de les confronter aux problématiques rencontrées par les professionnels et de les résoudre de manière méthodologique : il faut être créatif, rigoureux et persévérant ! C’est une bonne façon de se rendre compte combien la réussite d’un projet passe par le sérieux et la rigueur.
Le métier d’enseignant nourrit celui de chercheur et vice versa ?
Oui. C’est un avantage indéniable que de pouvoir faire de l’enseignement en dehors de nos activités de recherche ! Côtoyer des étudiants, c’est aussi pouvoir se confronter à des questions souvent pertinentes et insistantes qui nécessitent d’aller chercher des réponses. Il n’est pas rare qu’une question d’un étudiant débouche sur un nouveau projet, un intérêt pour une nouvelle technique ou encore une embauche d’un nouveau candidat.
Beaucoup d’étudiants de Sup’Biotech décident de faire une thèse ?
En général, environ 10 % des étudiants décident de continuer en thèse après leur 5e année à Sup’Biotech. Toutefois, et c’est une tendance très intéressante qui semble se dessiner ces dernières années, on remarque que certains de nos Anciens se lancent dans la poursuite d’un doctorat deux à trois ans après la fin de leurs études, suite à une ou plusieurs expériences professionnelles en tant qu’ingénieurs dans l’industrie ou dans le milieu académique. Ils profitent alors des connaissances acquises à la fois durant leur formation initiale à Sup’Biotech et dans le domaine professionnel pour se construire un bagage important avant de se lancer dans un parcours de thèse parfois difficile.
Être à la fois ingénieur et doctorant, c’est un bon moyen de se différencier sur le marché du travail ?
Nos étudiants n’ont pas besoin de faire une thèse pour trouver facilement un poste à la sortie de Sup’Biotech, dans des entreprises et des domaines passionnants. Cependant, la période de trois ans nécessaire pour préparer son diplôme de doctorat peut être très utile pour se constituer un réseau, multiplier les rencontres et surtout développer une expertise pointue dans un domaine. C’est pour cela qu’il faut bien réfléchir avant de se lancer dans un projet de thèse : il faut définir le sujet, bien sûr, mais aussi savoir avant pourquoi on le fait et où. Après, quand on est à la fois ingénieur et docteur, on a forcément un bagage supplémentaire et l’on peut prétendre à plus de responsabilités et à un meilleur salaire à l’embauche. Reste qu’un ingénieur qui n’a pas fait de doctorat peut aussi très bien progresser sur un autre rythme une fois en entreprise. Il n’y a pas un seul modèle pour réussir et c’est tant mieux. Tout le monde n’a pas non plus la capacité ni la volonté de se lancer dans ces trois années de recherche !