Démarrer son projet entrepreneurial à Sup’Biotech : l’exemple de Digi’Skin !
Initialement réalisé en équipe dans le cadre du programme Sup’Biotech Innovation project (SBIP), Digi’Skin continue depuis de se développer sous l’impulsion de Gabriel Eleuterio (promo 2022). Son objectif ? Permettre aux personnes amputées de retrouver le sens du toucher et les sensations thermiques au niveau de leurs prothèses.
Gabriel Eleuterio et Jacques Matillon, président-directeur général du Bureau Veritas Construction, lors de l’édition 2022 du Handitech Trophy / Crédit : Handitech Trophy
Démarrant lors de la 2e année du cursus et se poursuivant jusqu’en 5e année, le programme SBIP de Sup’Biotech commence toujours par la quête d’une piste à explorer, d’un concept à exploiter. Et parfois, l’idée surgit au détour d’un film. C’est le cas pour Digi’Skin. « C’est en regardant le film Logan, où un personnage utilisait une prothèse de bras bien plus développée que ce qui se fait à l’heure actuelle, que je me suis dit que cela pouvait être intéressant de lancer un projet sur cette thématique » raconte Gabriel. Comme quoi, on peut trouver l’inspiration n’importe où !
Déjà intéressé par le domaine de la santé au moment d’initier ce SBIP, le futur ingénieur se décide d’explorer le petit monde des appareils médicaux en compagnie d’autres camarades de promotion. « On a commencé avec une équipe de cinq personnes la première année, puis l’année suivante, nous étions sept. La dernière année, certains membres ont choisi de rejoindre d’autres projets plus en phase avec leur choix de spécialité. L’équipe s’est alors restructurée autour de trois personnes à l’occasion de l’intégration du programme Shaker, l’incubateur de projets du Genopole, et ainsi avoir accès à des laboratoires comme à des formations en finance, marketing, business plan, etc. Depuis la fin de mes études, je continue de porter seul le projet à plein temps. »
Les biotechnologies pour réinventer les prothèses
Si, dès le départ, Digi’Skin souhaitait permettre aux personnes amputées de retrouver le sens du toucher et les sensations thermiques, ces années de développement ont surtout permis de mieux définir les moyens techniques d’y parvenir. « Très vite, je me suis rendu compte que les prothèses actuelles étaient encore loin d’offrir une aisance identique à celle d’un bras normal, confie Gabriel, qui rejoindra d’ailleurs la Majeure Robotique et Biomédical en 4e année. L’une des limitations principales portait justement sur le manque de retour sensoriel. Petit à petit, nous sommes arrivés à l’idée de concevoir un gant esthétique équipé de capteurs à mettre sur les prothèses actuelles. Ces derniers vont envoyer des informations vers un implant présent dans le membre du patient et chargé de stimuler le système nerveux sensoriel. »
Au cœur de l’identité de Sup’Biotech, les biotechnologies interviennent chez Digi’Skin au niveau de l’implant, soit « l’élément clé du projet » comme le souligne le jeune entrepreneur. « C’est par lui que nous pourrons faire la connexion entre la « machine », c’est-à-dire les capteurs, et le système nerveux du patient. » Pour y parvenir, Digi’Skin songe à utiliser l’optogénétique, une technique permettant de transformer les cellules pour les rendre sensibles à la lumière, que Gabriel a pu approfondir durant son stage de 5e année chez l’Institut I-Stem. Une fois stimulées par la lumière, les cellules vont alors libérer des ions responsables de la transmission du potentiel d’action dans les nerfs. En stimulant ces cellules d’une certaine façon, le dispositif pourrait en théorie simuler la sensation naturelle. « Le premier défi, c’est d’être capable de stimuler les cellules optogénétiques avec suffisamment d’intensité et avec une bonne temporalité, précise Gabriel. En effet, une fois stimulées par la lumière, les cellules optogénétiques peuvent continuer à décharger des ions pendant quelques secondes supplémentaires, ce qui peut créer un décalage et donc une sensation pas assez fidèle à la réalité, entre autres problèmes. » Le second défi majeur porte sur la définition des bonnes fibres nerveuses à atteindre. « Il faut que l’activation des cellules optogénétiques entraîne celle des bonnes fibres nerveuses responsables de la sensation que l’on veut faire ressentir. Or, un nerf, c’est complexe, avec à la fois des fibres nerveuses sensorielles et moteurs, et plein de sous-catégories pour chacune d’elles. »
Une aventure qui s’inscrit sur le long terme
Aujourd’hui et après trois années de gestation au sein de Sup’Biotech, l’aventure Digi’Skin n’en est qu’à ses prémices. « Il reste encore beaucoup de choses à faire, concède Gabriel. Avant même d’en arriver aux essais cliniques chez l’Homme, il va falloir beaucoup d’étapes de développement chez l’animal et cela va prendre du temps. Et puis une fois les solutions techniques trouvées, le projet demandera encore d’obtenir les certifications nécessaires ainsi que le marquage CE ou encore la validation par la Sécurité sociale, ce qui est obligatoire pour un tel dispositif médical. C’est vraiment un projet sur le long terme : on espère pouvoir fournir quelque chose de fonctionnel chez l’animal d’ici 3 à 5 ans et il faudra compter le même laps de temps pour l’Homme par la suite. »
Si Gabriel emploie le « on », c’est qu’il n’est pas véritablement seul à travailler sur Digi’Skin depuis la fin de son parcours à Sup’Biotech. En effet, il peut également compter sur l’expérience et le réseau de Jean-Pierre Dreesens, « un multi-entrepreneur qui m’accompagne sur la vision à donner à l’entreprise, les jalons à poser ou encore les personnes intéressantes à rencontrer », ainsi que les connaissances du docteur Edward de Keating-Hart, chirurgien à la Clinique Jules Verne de Nantes, spécialisé dans les opérations du membre supérieur et celles après amputation. « Il nous donne surtout son avis médical sur ce qu’il est possible de faire ou non. C’est d’ailleurs le précurseur de la technique Targeted Muscle Reinnervation (TMR) qui a pour but de permettre aux patients amputés de mieux bouger leur prothèse myoélectrique. »
Déjà plusieurs prix pour Digi’Skin
Ce soutien aide au quotidien Digi’Skin à grimper les échelons. Preuve s’il en est, la future start-up a remporté le Prix Étudiants et le Prix Coup de Cœur des salariés Bpifrance lors de la cérémonie du Handitech Trophy 2022. L’occasion de se rapprocher d’acteurs pertinents et de jauger l’attrait du projet : « Ce concours nous a permis de prendre des contacts importants, notamment avec des représentants des ministères et en particulier ceux de la branche innovation de l’armée, mais il nous a aussi démontré combien le projet pouvait intéresser les acteurs de la scène entrepreneuriale française. Cela nous incite à poursuivre nos efforts ! » Digi’Skin s’est fait aussi remarqué en remportant le premier prix « produit-stade concept » à la Journée Entrepreneuriat Etudiant 2022 en mars dernier et en obtenant une subvention de 10 000 euros de la part de la Fondation Banque Populaire Rives de Paris cette même année.
Mais ce qui pousse surtout Gabriel à mener l’aventure Digi’Skin, ce sont les personnes amputées et leurs besoins. « Il y a un témoignage en particulier qui me revient très souvent à l’esprit, partage Gabriel. C’était lors d’un stage de deux mois que j’ai pu réaliser à l’Institut Robert Merle d’Aubigné, un centre de rééducation après amputation, pour comprendre les besoins des principaux intéressés en échangeant directement avec eux. J’ai ainsi pu rencontrer une maman amputée des quatre membres qui me disait que ce qui lui manquait le plus, c’était de ressentir la chaleur des joues de ses enfants… Ce genre de témoignage vous marque, c’est certain. »
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