De Zürich au CNRS : l’année de césure de Manon Réau (Sup’Biotech promo 2016) pour approfondir la bio-informatique
Comme Teiki Castet (Sup’Biotech promo 2016) dont nous vous avions récemment raconté le périple à l’autre bout du monde, Manon Réau (promo 2015) a choisi d’effectuer une année de césure de septembre 2014 à juillet 2015. Elle a opté pour la France et la Suisse pour y effectuer deux stages liés à la bio-informatique : l’un à l’université de Zürich, l’autre à Institut de Biologie Physico Chimique (IBPC) de Paris, une unité du CNRS.
Qu’est-ce qui te plaît dans les biotechnologies ?
Le côté pluridisciplinaire et innovant. Nous sommes en permanence en train d’imaginer de nouvelles techniques en partant d’idées piochées dans des domaines extrêmement variés, afin de concevoir de nouvelles applications ou utilisations des ressources biologiques. C’est une discipline très vaste qui laisse beaucoup de place à la création.
Pourquoi as-tu décidé de rejoindre Sup’Biotech ?
J’ai toujours été attirée par la biologie et la compréhension du vivant. En cherchant mon orientation, je suis tombée sur Sup’Biotech. Je connaissais très peu les biotechnologies, mais l’idée de coupler la compréhension du vivant à son utilisation intelligente en industrie m’a tout de suite plu. Aujourd’hui, en m’orientant en bio-informatique et plus particulièrement en drug design, je m’en éloigne un peu. Mais je suis convaincue que les deux font bon ménage et que la formation innovante de Sup’Biotech me sera utile !
Pourquoi avoir voulu faire une année de césure ?
Mon idée de départ, afin de pouvoir réaliser une thèse, est de faire un double diplôme lors de ma 5e année. Je serai alors inscrite à Sup’Biotech mais suivrai à temps complet une formation en bio-informatique à l’université. Ce type de parcours favorise l’obtention de financement de thèse lorsque l’on sort d’une école d’ingénierie. N’étant que peu spécialisée, j’ai alors décidé d’effectuer un an de stage pour me permettre de mieux connaître le milieu de la recherche en bio-informatique et devenir plus compétitive afin d’accéder, dans un premier temps, au master de mon choix puis d’obtenir une thèse et enfin un emploi. Jusqu’à maintenant, tout semble se dérouler comme prévu : j’ai eu des stages très formateurs, et je suis acceptée en double diplôme…, et dans le master de mon choix ! Reste à voir pour la suite !
En quoi consistait votre année ?
J’ai décidé d’effectuer deux stages dans des domaines différents de la bio-informatique. Le premier, sous la supervision du Pr. Caflisch à l’université de Zürich, le second, au CNRS à Paris, sous la supervision du Pr. Baaden.
Mon objectif à Zürich était de trouver des petites molécules capables d’inhiber le bromodomaine BAZ2B. Ce bromodomaine reste peu connu. Pour donner une idée globale, lorsque les histones sont acétylés, la chromatine se « relâche » et passe à l’état d’euchromatine, où l’ADN devient accessible à différents facteurs. Les bromodomaines sont des domaines protéiques capables de reconnaître ce motif d’acétyl-lysine et, faisant partie de plus larges complexes protéiques, de regrouper à proximité de l’ADN des facteurs de transcription ou de répression de la transcription. Ils ont donc un rôle primordial dans le contrôle de la transcription. Leur dérégulation est impliquée dans le développement de bon nombre de maladies, incluant, bien évidemment, le cancer. Aujourd’hui de nombreuses équipes de recherche se penchent sur l’étude de ce facteur épigénétique afin de pouvoir prendre le contrôle de son activité et empêcher, par exemple, la transcription d’oncogènes ou encore la transcription de gène de survie chez les parasites.
Pour ceci, j’ai utilisé des techniques de criblage virtuel, et plus particulièrement de fragment-based drug design.
Quel était le but de ton stage au CNRS ?
Le sujet était complètement différent : j’étudiais l’effet de la fixation des anesthésiques sur leurs récepteurs, les pentameric Ligand Gated Ions Channels (pLGIC). Je travaille sur un modèle bactérien : GLIC. Plus concrètement, j’analyse des simulations de dynamique moléculaire préalablement réalisées par mes collègues Dr. S. Murail et Dr. B. Laurent afin de comprendre le mécanisme sous-jacent à la fixation de trois anesthésiques généraux sur le récepteur GLIC.
Comment as-tu trouvé ces stages ?
Ayant déjà travaillé en bio-informatique et sur les bromodomaines au Bio Information Research Laboratory (BIRL) de Sup’Biotech avec Jean-Yves Trosset, j’avais déjà lu quelques articles du Pr. Caflisch. Intéressée par ses travaux, j’ai postulé par candidature spontanée et j’ai dû passer plusieurs entretiens, dont une présentation de mes précédentes recherches à l’ensemble du groupe de recherche du Pr. Caflisch à Zürich.
Pour le deuxième stage, j’ai fait appel aux Anciens de l’école et à leurs recommandations. Plusieurs m’ont recommandé le laboratoire du Dr. Baaden. J’ai pris contact avec lui très rapidement et nous avons pu discuter du choix du sujet de stage un an avant qu’il ne débute.
Que retiens-tu de ces deux stages ?
Ils m’ont énormément plu, puisqu’ils m’ont permis non seulement de me familiariser avec le domaine de la bio-informatique et d’en maîtriser un bon nombre d’outils, mais également de me créer un réseau. C’est sans aucun doute grâce à ce petit plus sur mon CV que j’ai pu être acceptée en double diplôme et dans le master de mon choix que j’effectuerai l’année prochaine, en parallèle à ma 5e année. Ce master portera sur l’In silico drug design, avec en spécialité l’analyse in silico des complexes médicaments-macromolécules.
Qu’as-tu pensé de Zürich ?
C’est une ville qui est paradoxalement calme et animée : il y a énormément d’évènements culturels et scientifiques organisés, mais également beaucoup de soirées étudiantes. Pour autant, les rues restent très propres et paisibles. L’université de Zürich et l’école fédérale polytechnique (ETH) rassemblent de nombreux masters scientifiques et d’écoles doctorales. On sent rapidement que l’on baigne dans un milieu scientifique performant, avec des chercheurs de tous horizons et de nombreuses conférences accessibles à tous. Zürich est également très bien connectée au reste de la Suisse, de l’Europe et du monde avec ses nombreuses voies ferrées et son aéroport international. Hormis le coût de la vie qui est relativement élevé, c’est vraiment une ville où il fait bon vivre et qui offre une grande mobilité.
Quels sont tes meilleurs souvenirs là-bas ?
Mon meilleur souvenir regroupe forcément les moments passés avec mes collègues italiens, allemands, suisses, français…, qui sont devenus des amis et avec qui j’ai découvert Zürich et la Suisse ! Je retiens aussi les randonnées au Mont Pilatus et à Wasserauen. Impossible de ne pas penser au Polyball, le gala surdimensionné de l’université de Zürich ! Enfin, je garde la grande satisfaction d’avoir finalisé mon stage en temps voulu et de voir les molécules que j’ai sélectionnées partir en laboratoire pour être testées.
Quels conseils pourrais-tu donner à ceux qui, comme toi, souhaitent partir à l’étranger pour une année de césure ?
Je ne me suis pas imposée de limite à mon périmètre de recherche de stage. Je pense que c’est très important quand on a un objectif particulier en science puisque la science dépasse les frontières : c’est une communauté relativement petite mais très éparse. Je conseillerais donc simplement de ne jamais se cantonner à l’environnement que l’on connaît. Il y a beaucoup à apprendre ailleurs, tant sur le plan professionnel qu’humain.