Les biotechnologies, la France et l’innovation : la première conférence de Sup’Biotech de la saison a réussi son pari
Innovation, financement, concurrence, entrepreneuriat… La première conférence de l’année 2014-2015 de Sup’Biotech, organisée à l’Auditorium FCBA (Paris 12e), a balayé un nombre important de sujets concernant la place des biotechnologies en France. Professionnels réputés et Anciens de l’école se relayaient ainsi devant leurs pairs – et les étudiants de Sup’Biotech – pour aborder toutes les facettes d’un marché qui ne cesse de prendre de l’ampleur, y compris à l’International.
Introduite par Vanessa Proux, directrice de Sup’Biotech, cette conférence « Biotechnologies à la française : pari réussi ? » débutait par un petit tour des biotechnologies et pas n’importe lequel : le fameux Tour de France effectué par Joachim Eeckhout et Philip Hemme (Sup’Biotech promotion 2014). Présent sur la scène de l’Auditorium FCBA, Joachim revenait sur la genèse de ce documentaire-roadtrip et en profitait pour présenter les autres projets de son binôme. Ce dernier est ainsi à la tête de LaBiotech.fr, un site d’informations entièrement consacré à l’actu des biotechnologies, de son pendant européen LaBiotech.eu, mais aussi de LaBiotechTour.com, un site Web qui permet de découvrir les principaux clusters mondiaux dans le domaine à travers plusieurs reportages. Philip Hemme vient de terminer un épisode consacré à Boston (voir ci-dessous), l’une des places fortes du monde des biotechnologies. D’autres devraient suivre sur l’Irlande, la Californie, l’Allemagne, etc.
Teaser LaBiotech Tour Boston documentary from LaBiotech Tour on Vimeo.
La France et l’Europe bien placées sur l’échiquier des biotech
Suite à l’intervention de Joachim, Philippe Grand, associé du cabinet Ernst & Young, se présentait devant l’auditoire pour aborder la place de la France au sein de l’Europe des biotechnologies. Présent dans le peloton de tête aux côtés de l’Allemagne, d’Israël et de la Suède mais encore assez éloignée du leader Anglais dans un « marché plus mature » qui voit « les entreprises européennes commencer à dégager des marges intéressantes », la France a de nombreux atouts : ses entreprises publiques sont bien cotées et, si « le fossé continue de se creuser entre le Royaume-Uni et la France de par la capacité supérieure des anglais à lever des fonds », la France reste bien placée avec de nombreux produits en phase III (soit la dernière étape avant la commercialisation), « une filière bio-informatique » très performante et un statut « d’eldorado de la recherche » grâce à ses « dispositifs de soutien extraordinaires ». Reste, selon lui, à renforcer l’esprit entrepreneuriale des nouvelles générations pour voir naître « des serial entrepreneurs français dans les biotech » et ainsi maintenir cette « bonne dynamique ».
L’importance des biotechnologies était ensuite encore plus renforcée par la prise de parole de Denis Lucquin, managing partner chez Sofinnova, le premier fonds de capital-risque français dans les sciences du vivant. Pour cet intervenant, la France jouit d’un « écosystème unique et envié », composé de « quatre grands pieds » : les fonds communs de placement pour l’innovation et la recherche, le crédit d’impôt recherche (CIR), le régime de la Jeune entreprise innovante (JEI) et le rôle de la banque publique d’investissement (bpifrance). Pour autant, Denis Lucquin estime que « ce n’est pas la France qui doit être au top dans 5 ans, mais l’Europe ».
Vanessa Proux (à gauche) et la journaliste Anne Pezet
Joachim Eeckhout
Philippe Grand
Denis Lucquin
Des Anciens implantés dans différents secteurs des biotechnologies
Après un bref interlude et la projection de la vidéo anniversaire des 10 ans de l’école, trois Anciens de Sup’Biotech se présentaient alors pour partager leur parcours professionnel depuis l’obtention de leur diplôme : David-Alexandre Badarou (promo 2012), project management officer pour Pharma Biot’Expert, Emilie Coquard (promo 2009), communication manager à Nanobiotix, et Marie Dagnaud (promo 2011), senior financial auditor au sein du cabinet de financement Mazars. « Au quotidien, je vois des problématiques que je n’avais pas imaginé lors de mes études, explique ainsi Marie qui accompagne notamment les sociétés sur leur proposition de financement, leur levée de fonds et leurs problématiques de trésorerie. J’ai ressenti la valeur ajoutée de Sup’Biotech en sortant des sentiers battus : nous avons une expertise, une spécialisation biotech et il faut capitaliser dessus. » Issue de la première promotion de l’école, Emilie se dit d’abord « motivée par le côté pluridisciplinaire, touche-à-tout », ce qui l’avait poussée à réaliser trois stages dans des marchés de niches, très spécifiques, lors de ses études avant de créer le pôle communication de Nanobiotix, une société de nanomédecine spécialisée dans le traitement local du cancer. « L’important dans vos stages, c’est de comprendre votre choix, d’en tirer des leçons et de ne pas dire oui à la première offre venue », conseillait-elle aux étudiants présents dans la salle. Quant à David-Alexandre, il confiait également que l’école l’avait bien formé (« L’anglais, le management de projet, le travail en équipe, etc. Tout cela est très important, comme on me l’avait dit à Sup’Biotech ! »). En poste dans un cabinet d’expertise crée en juin 2012, il a vu « son » entreprise grandir au fur et à mesure. « Nous étions trois au début, maintenant nous sommes une douzaine. J’ai commencé comme ingénieur projet et, en tant désormais que projet management officer, je pilote et j’assiste essentiellement la gestion de projets pour les ingénieurs en mission. »
David-Alexandre Badarou, Emilie Coquard et Marie Dagnaud
Christian Béchon, Philippe Mauberna, Laurence Friteau et Jacques Souquet
Et l’innovation dans tout ça ?
Enfin, la conférence se terminait par une table ronde autour de l’innovation future des biotechnologies réunissant quatre professionnels au regard avisé : Christian Béchon, PDG du LFB (l’un des plus grands laboratoires biopharmaceutiques français, spécialisé dans les protéines thérapeutiques), Laurence Friteau, business leader au sein de l’agence Kelly Scientifique France, Philippe Mauberna, CFO de Nanobiotix et Jacques Souquet, PDG-fondateur de SuperSonic Imagine. « Il faut vraiment amener un changement de la donne, annonçait ainsi Christian Béchon. Le but : c’est d’utiliser la technologie pour faire moins cher et c’est possible en bioproduction, notamment dans la santé. La santé, c’est là où il faut être dans le siècle qui vient, avec bientôt 9 milliards d’individus et un fort vieillissement de la population sur le globe de manière générale. » Un avis partagé par Philippe Mauberna : « L’innovation c’est accroitre la prise en charge du patient, dans le cas d’un traitement du cancer, et d’insérer quelque chose de nouveau, une nanoparticule qu’on fabrique, pour détruire les cellules micro cancéreuses et rendre le traitement de la radiothérapie plus efficace. Pour autant, une innovation doit se gérer pour préparer l’avenir : il faut créer des brevets, les verrouiller, les protéger, et être sûrs d’être les seuls à pouvoir les faire. » Spécialisée désormais dans la question des ressources humaines, Laurence Friteau considère que l’innovation doit aussi se faire à travers des profils bien spécifiques : « Tous les consultants de Kelly Scientifique sont des scientifiques de formation – je le suis moi-même et me suis réorientée dans le recrutement il y a 16 ans. Tous les métiers que nous cherchons doivent donc avoir un profil scientifique, spécialisé et éventuellement une double compétence, comme l’apporte Sup’Biotech. » Enfin, pour Jacques Souquet, l’innovation doit être indissociable de l’entreprise. « L’innovation est notre image de marque dans l’imagerie médicale, expliquait-il. Nous utilisons ainsi la technologie issue du jeu vidéo et la mélangeons avec des technologies de recherche. Cela dit, l’innovation est aujourd’hui un mot galvaudé dans la bouche de nombreux chefs d’entreprise alors qu’il s’agit du seul outil de l’entrepreneur. L’innovation, c’est oser défier les orthodoxies en place. Pour cela, il faut ne pas sortir de ses compétences et essayer de comprendre les besoins non exprimés de vos clients. » L’échec et la prise de risques font d’ailleurs partie intégrante de l’innovation : « Quand les entrepreneurs réussissent, ils révolutionnent le marché. Mais quand ils se cassent la figure, ils ont suffisamment mis de pression sur leurs concurrents pour que le progrès continue d’avancer. »