Cellules souches : enjeux scientifiques, blocages moraux

La France a un retard patent en ce qui concerne la recherche sur les cellules souches, là où des pays comme la Chine, le Japon, le Mexique, la Belgique ou l’Espagne l’autorisent depuis des années. Il aura fallu attendre août 2013 pour que les expérimentations dans un cadre thérapeutique des cellules embryonnaires soient autorisées en France. Pourquoi un tel retard ? Eléments de réponse avec Jean-Philippe De Oliveira, enseignant-chercheur responsable des sciences humaines et sociales à Sup’Biotech.

cellules_souches01.JPGUne colonie de cellules souches embryonnaires.

Le poids des associations

Les attentes thérapeutiques auxquelles les recherches sur les cellules souches peuvent répondre sont énormes. On les voit déjà comme solutions aux cancers, maladies dégénératives, diabètes… Aussi, compte tenu de toutes ces promesses, on a du mal à comprendre le retard de la France. « La réponse est simple : en France, il existe une très forte mobilisation contre cette recherche, explique Jean-Philippe De Oliveira. Les associations familiales et religieuses françaises sont toujours très puissantes et ont un poids non négligeable dans la prise de décision politique. Cela explique en partie pourquoi certains sujets de recherche ont pu être retardés voire annulés. »

A titre de comparaison, quand la Belgique a légiféré sur ces mêmes questions il y a maintenant dix ans, les débats se sont déroulés de manière tout à fait dépassionnée. « Dans ce pays, la mobilisation associative n’est pas aussi importante qu’en France, précise Jean-Philippe De Oliveira. Il ne faut cependant pas rejeter l’action associative – un pouvoir civil actif est très important dans le bon déroulement de la démocratie. Par exemple, c’est grâce aux associations écologistes que les réglementations sur la préservation des littoraux sont respectées, puisqu’elles sont très au fait de la législation. Mais cette expertise leur permet également d’entraver certaines recherches contraires à leurs idéaux. »

La frontière entre l’éthique et la morale

Il s’agit donc bien d’une question morale : les chercheurs, sous prétexte d’avancée scientifique, ne peuvent pas imposer leurs recherches à des populations réfractaires. Le contexte de crise actuel, dans lequel les notions d’innovation et de compétitivité sont des enjeux forts, peuvent expliquer l’assouplissement des acteurs publics autour de la question des cellules souches. C’est également pour cela que ces recherches n’ont, pour l’instant, qu’une portée thérapeutique utile à tous. « Jusqu’ici, le débat moral portait sur la notion d’individu : est-ce qu’un embryon peut être considéré comme un être humain ? observe Jean-Philippe De Oliveira. On est à la frontière entre l’éthique et la morale, avec d’un côté l’impératif scientifique et les attentes de la médecine et de l’autre la possibilité de dérives comme le clonage humain ou l’eugénisme. Ces débats politiques rejoignent les discussions philosophiques sur l’ontologie et le rapport à l’être humain. »

Une dernière question subsiste : est-ce que cet aval législatif n’est pas un peu tardif ? La découverte des cellules souches pluripotentes induites (IPS), à savoir des cellules adultes pouvant être reprogrammées génétiquement pour qu’elles aient les mêmes propriétés que les cellules souches embryonnaires, évacue le débat éthique et moral. On ne touche plus à l’embryon : on prélève directement le matériau de recherche sur la personne adulte et consentante. Sachant que les IPS existent, la recherche n’aurait a priori plus à utiliser les cellules souches embryonnaires, d’où le passage de la loi cette été.

Episode d’Ils font avancer la recherche avec Shahragim Tajbakhsh, directeur de l’unité cellules souches et développement à l’Institut Pasteur.

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