Cinq étudiantes de Sup’Biotech travaillent sur un projet innovant pour améliorer le quotidien de la population malgache
Sous l’égide de Jean-Claude Maret, professeur de marketing à Sup’Biotech, Vélia Bouzerara-Chesnaux, Rim Jelassi, Aurélie Rodriguez, Sophie Salama et Yasmina Taouil (Sup’Biotech promo 2016) travaillent depuis janvier 2014 sur un Sup’Biotech Innovation Project (SBIP) à destination des habitants de Madagascar. Ce projet innovant permettra de faire du manioc une source de richesses et de développement en plus d’un moyen de lutte contre la malnutrition, l’un des problèmes majeurs touchant la population malgache.
Jean-Claude Maret, créateur de l’association Mada-Coopessor
L’association Mada-Coopessor existe depuis avril 2013. Créée par Jean-Claude Maret au retour d’un voyage à Madagascar, elle est née d’un constat dressé par cet enseignant de Sup’Biotech également consultant et président de la société THA conseil. « Mon voyage avait pour objectif de faire une étude sur la filière cacao – Madagascar étant un producteur de cacao avec des crus assez remarquables, reconnus par les plus grands chocolatiers européens, explique-t-il. Sur place, je me suis aperçu que cette filière était détenue à 90 % par de grands groupes internationaux et que les paysans producteurs avaient des difficultés pour survivre par eux-mêmes si ce n’est au travers d’une coopérative paysanne naissante pas encore très structurée. Je me suis également aperçu que les femmes avaient un rôle marginal alors qu’elles sont le pilier même de l’organisation villageoise. En regardant ce qui se faisait en Afrique noire et subsaharienne, et en réfléchissant aux projets susceptibles d’intéresser les femmes malgaches, je me suis dit qu’il y avait certainement un axe de travail à partir de la filière du manioc. »
Pourquoi avoir choisi le développement du manioc ?
La région où j’ai investi mon temps, le Sud-Est de Madagascar, produit beaucoup de manioc, principalement pour une utilisation ménagère et non pas pour en faire commerce. Les malgaches sont d’excellents cultivateurs mais n’imaginent pas toujours ce qu’ils peuvent transformer par eux-mêmes. L’idée était donc de leur montrer qu’en apportant une valeur ajoutée à leur produit, ils peuvent d’une part se nourrir et d’autre part développer le niveau économique de leurs foyers.
Le manioc est également intéressant car, au-delà de sa culture qui est déjà très présente, un surplus de production permettrait de lutter contre un autre problème récurrent à Madagascar : l’état de malnutrition. Il faut savoir qu’aujourd’hui, 76 % de la population malgache est sous-alimentée : en moyenne, dans les bons moments, un malgache prend ainsi un repas par jour. En période, de fin de saison agricole, il lui arrive ainsi de ne faire qu’un repas tous les deux jours. Ce problème peut engendrer de vrais retards physiologiques et psychologiques pour les enfants. Je me suis donc dit que ça serait bien d’associer la transformation du manioc avec un programme de nutrition.
Comment le projet de Madacoopessor s’est-il associé aux projets de l’école ?
Partant du principe de faire de la transformation d’une matière principale, Sup’Biotech me paraissait être un acteur incontournable pour faire ce projet. J’en ai parlé à Vanessa Proux, la directrice de l’école, ainsi qu’à Pierre Ougen, directeur des Projets et de l’Innovation. Les deux m’ont dit que c’était un sujet formidable susceptible d’intéresser fortement les étudiants. Nous avons donc décidé de constituer un petit groupe dans le cadre des projets SBIP englobant des étudiants des filières R&D, production et marketing. Je leur ai ainsi demandé de créer une microstructure qui va avoir pour vocation de concevoir une féculerie artisanale avec pour objectif de produire de la farine ou une sorte de semoule de manioc pour permettre de les vendre dans les centres de santé à Madagascar. Ces produits ne seront bien sûr pas vendus très chers car, aujourd’hui, des actions se font déjà ponctuellement sur ces centres de santé : il y a par exemple un produit déjà très répandu à Madagascar qui s’appelle la spiruline et qui, en fait, est distribuée gratuitement aux familles les plus pauvres pour permettre d’apporter les éléments nutritionnels nécessaires.
Comment s’organise ce SBIP ?
Pour l’instant, nous n’en sommes qu’au démarrage et à l’analyse. Nous partons de zéro car rien n’existe en la matière. Ce projet va être conduit sur plusieurs années par les étudiantes : elles l’ont commencé lors de leur 3e année mais le but est qu’elles le poursuivent en 4e et 5e année, comme un vrai projet industriel.
De gauche à droite :
Rim Jelassi, Yasmina Taouil, Vélia Bouzerara-Chesnaux, Aurélie Rodriguez, Sophie Salama
Qu’est-ce qui est demandé aux étudiantes ?
Il y a plusieurs choses. D’abord, il faut analyser la structure du manioc et ensuite déterminer la meilleure transformation possible par rapport aux besoins de la population malgache. On commence également à réfléchir à la mise en production dès cette année puisque, comme les moyens à Madagascar sont assez limités, on va tenter d’utiliser les « moyens du bord ». On ne va pas faire une féculerie comme celles en Europe, qui sont des usines importantes, mais plutôt établir des unités de production à l’échelle locale pouvant faire travailler les femmes. L’objectif étant aussi que les femmes s’approprient la féculerie pour en faire leur propre outil de développement économique.
Sur quel sujet interviendra la partie marketing de ce projet ?
Compte tenu de la situation géographique du projet, on peut imaginer commercialiser le produit sur le territoire national malgache via un certain nombre de centres de soin, mais aussi potentiellement le vendre à l’exportation et développer des filières. J’ai par exemple déjà des anciennes étudiantes de Sup’Biotech, avec qui je suis en relation, implantées en Afrique du Sud et qui m’ont déclaré être intéressées par ce projet.