Les conditions du succès de la filière industrielle française des thérapies vues par Frank Yates, enseignant-chercheur à Sup’Biotech

Enseignant-chercheur et coordinateur de l’activité Recherche à Sup’Biotech où il dirige l’équipe « PluriTechs – Ingénierie de la Pluripotence » dans le cadre de la collaboration avec le CEA, Frank Yates est le co-auteur d’un article paru dans la revue Thérapie revenant sur les besoins de « créer les conditions du succès de la filière industrielle française des thérapies ».

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Frank Yates

Quelle problématique a motivé la rédaction de votre article ?
Frank Yates : Tous les ans, une série de tables rondes est organisée sur la presqu’île de Giens, réunissant des industriels, des acteurs de la vie socio-économique, des politiques et des chercheurs. Au lieu de profiter du cadre paradisiaque de ces rencontres, ceux-ci décident de s’enfermer et de longuement discuter des problèmes réels auxquels ils sont confrontés dans leurs pratiques de la médecine de demain. C’est une occasion extraordinaire de rencontrer ces décideurs et de réfléchir aux problèmes sociétaux posés par l’innovation biomédicale. Pour l’édition 2014, l’un de ces ateliers était consacré aux thérapies innovantes. La question posée était très importante : quelles sont les conditions pour créer une filière industrielle pour les thérapies innovantes ?

Qu’est-ce qu’un « médicament de thérapie innovante » ?
La recherche translationnelle est ce domaine de la recherche biomédicale qui a pour finalité d’adapter les résultats obtenus in vitro dans des modèles précliniques à l’homme. Ainsi, les découvertes de la recherche fondamentale peuvent se traduire rapidement par une amélioration de la santé des individus et des populations. Les thérapies innovantes regroupent un certain nombre de stratégies thérapeutiques encore peu explorées, notamment la thérapie cellulaire et la thérapie génique. Ces traitements en sont encore à un stade très précoce de développement mais seront amenés à représenter une voie alternative de traitement pour les pathologies les plus graves et pour lesquelles il n’existe pour l’instant aucun traitement.

Pourquoi est-ce une filière essentielle selon-vous ?
D’après une étude citée dans cet article, la France occupe la première place en Europe en matière d’essais cliniques en thérapies innovantes. Ceci est dû en partie à un réel effort public d’investissement qui a mené ces cinquante dernières années à un système de recherche biomédicale publique en étroite liaison avec le secteur hospitalier. Pour garder ce rôle de leader, la France doit maintenant valoriser les innovations thérapeutiques développées au sein de ses laboratoires, en s’appuyant sur l’industrie pharmaceutique. Cette industrie est en pleine mutation, et la biotechnologie représente pour les industriels un nouveau débouché qui sera générateur d’emplois qualifiés et d’une croissance soutenue.

Quels obstacles rencontre son développement aujourd’hui ?
Il existe des verrous techniques, réglementaires et économiques qui ne favorisent pas le transfert de ces innovations vers l’industrie pharmaceutique. L’objectif de cet article est de recenser ces verrous (délais administratifs importants, par exemple…) et proposer des solutions pour faciliter le développement de cette nouvelle filière. Un exemple : la France est le premier pays au monde à avoir développé un essai clinique pour obtenir, à partir de cellules souches embryonnaires humaines, des cellules cardiaques utilisées pour traiter des patients présentant une insuffisance cardiaque sévère. Si on réfléchit à l’avenir d’une telle technologie une fois les essais cliniques réalisés, il faudra que les entreprises pharmaceutiques puissent adopter celle-ci afin de la proposer au plus grand nombre de patients. En France, la loi relative à la bioéthique de 2004, modifiée en 2011, définit les conditions légales pour pouvoir travailler sur les cellules souches embryonnaires. Rédigées dans l’intention louable de proposer un « mieux-disant éthique », ces conditions imposent un grand nombre de restrictions. L’interprétation stricte de ces dernières restreint toute application médicale dérivée de cette recherche au champ académique non industriel. En langage clair, si on suit la lettre de la loi, les innovations obtenues grâce au potentiel extraordinaire de ces cellules qu’on appelle « pluripotentes » devront être développées à l’étranger. Il est évident que la loi sera amenée à évoluer, mais il est important de veiller à une meilleure synchronisation entre le temps législatif, le temps de la recherche et le temps du développement industriel.

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