Des enzymes pour la nouvelle pile à hydrogène
Par Tiphaine Berard, Sloane André, Simon Chabasse, promotion 2013
Des chercheurs du Commissariat à l’Energie Atomique (CEA) ont permis à la pile à hydrogène de revenir sur le devant de la scène en remplaçant le platine par un système enzymatique, surmontant le principal problème de cette source d’énergie non polluante : le prix. Les considérations financières avaient à l’époque pris le pas sur les bénéfices environnementaux. L’idée de produire de l’énergie avec pour seul rejet de l’eau est de retour.
Baisse des coûts
C’est en décembre dernier que les chercheurs du centre du CEA de Grenoble, associés à d’autres établissements de recherche tels que le Laboratoire de chimie et de biologie des métaux (LCBM) ou le Centre National de la Recherche Scientifique (Cnrs), ont publié leur dernière découverte dans la revue Science (1) établissant un nouveau principe pour la pile à hydrogène. Leur attention portait sur des bactéries utilisant l’hydrogène comme source d’énergie. Pour cela, celles-ci emploient des enzymes : les hydrogénases. L’idée est donc venue de remplacer le platine, un métal rare et donc trop coûteux en tant que catalyseur dans la pile, par ces enzymes. En effet, ces dernières présentent la caractéristique de catalyser l’oxydation de l’hydrogène formant des protons au niveau de l’anode, migrant ensuite vers la cathode. Ils établissent ainsi un courant électrique. Les protons issus de l’oxydation se combinent ensuite avec l’oxygène de l’air pour former de l’eau, seul produit de la réaction. L’anode métallique peut, grâce à ce changement de catalyseur, être fabriquée dans un métal plus abondant comme le nickel (2).
Un des impératifs pour le bon fonctionnement de la pile était de modifier les hydrogénases, trop sensibles à l’action inhibitrice de l’oxygène. Cette sensibilité provient de l’origine des enzymes. Au temps où elles sont apparues, l’oxygène n’était pas présent dans l’atmosphère, absence qui ne leur a pas permis d’utiliser cette molécule. L’équipe de chercheurs du CEA a donc préféré utiliser un catalyseur synthétique imitant les hydrogénases.
Ces succédanés d’enzymes sont ensuite greffés sur des nanotubes de carbone, profitant de leur grande surface de réactivité pour améliorer leurs performances. La tension fournie par l’électrode est quasiment la même qu’avec le platine. Toutefois, selon Vincent Artero du Laboratoire Chimie et Biologie des Métaux (LCBM) de Grenoble, il reste un défaut : la vitesse de catalyse est de 10 à 100 fois plus lente.
Multiplication des applications
Avantage supplémentaire, cette électrode développée par l’équipe française est réversible. Cette propriété lui permet de produire de l’hydrogène à partir d’eau en utilisant une source d’énergie renouvelable, telle que le solaire ou l’éolienne. Autrement dit, le problème de la production de l’hydrogène est en bonne voie de résolution. En effet, l’hydrogène s’obtient à partir de méthane et produit donc une grande quantité de gaz à effet de serre. L’intérêt d’une source d’énergie propre serait donc limité si l’obtention du combustible entraîne une pollution. L’hydrogène prendrait donc le rôle de transporteur d’énergie pouvant être rechargé (3).
La version enzymatique de la pile permet de diviser le prix de production par deux mille. Cet argument permettra sans aucun doute de convaincre les clients potentiels. De nombreuses applications sont envisageables pour cette découverte. Concernant les transports par exemple, la pile à hydrogène contenant du platine faisait déjà l’objet de prototype dans des voitures ou des bus. Renault-Nissan a développé une voiture, la Scenic ZEV H2, pour Dihydrogene Zero Emission Vehicule. Elle combine une pile à hydrogène avec une batterie au lithium. Hormis le prix, un des problèmes est le poids ajouté de l’équipement, notamment du réservoir haute-pression pour l’hydrogène. Ce dernier se répercute sur les performances du véhicule atteignant les 120 chevaux pour 1 850 kilos. Autre projet dans les transports : la communauté européenne a lancé en 2001 le programme Clean Urban Transport for Europe (CUTE), un des projets les plus importants au monde concernant l’emploi des piles à hydrogène. Il programme l’expérimentation de bus à hydrogène dans plusieurs métropoles, moins bruyants et moins polluants, car réduisant l’émission des gaz à effets de serre dans l’environnement (4).
D’autres applications peuvent être imaginées dans le secteur des batteries rechargeables par apport d’énergie ou par ajout de combustible et qui produisent de l’eau. Mais la recherche doit continuer pour corriger les quelques problèmes restant, notamment dans le système de stockage de l’hydrogène, à l’heure actuelle trop volumineux. De nouvelles techniques de concentration de gaz sont à l’étude, comme la structure Metal-organic Framework (MOF) développée par une équipe de chimiste de l’université de Californie et du Michigan présente des capacités de stockage exceptionnel (5).
(1) Alan Le Goff et Vincent Artero, Bruno Jousselme, Phong Dinh Tran, Nicolas Guillet, Romain Métayé, Aziz Fihri, Serge Palacin, and Marc Fontecave, « From Hydrogenases to Noble Metal Free Catalytic Nanomaterials for H2 Production and Uptake », Science, 4 December 2009
(2) Olivier Hertel, « Des enzymes pour la voiture à hydrogène », Sciences et Avenir, février 2010
(3) Rapport n° 125 (2005-2006) de MM.Christian CABAL, député et Claude GATIGNOL, député, fait au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, « Définition et implications du concept de voiture propre », www.senat.fr, 14 décembre 2009
(4) AFH2- Thierry Alleau, « Mémento de l’Hydrogène »FICHE 9.2.1, www.afh2.org, février 2003
(5) Bruno Mortgat, « Hydrogène et piles à combustible : la gestation se poursuit », www.mineralinfo.org