L’équipe iGEM IONIS dans les starting-blocks pour la grande finale !
C’est bientôt le moment de vérité pour l’équipe iGEM IONIS ! Cette formation qui rassemble des futurs ingénieurs de Sup’Biotech, de l’ESME Sudria et de l’EPITA se prépare en effet ardemment pour la grande finale de l’International Genetically Engineered Machine competition (iGEM), le plus grand concours étudiant au monde dédié à la biologie de synthèse, qui se déroulera en ligne du 14 au 22 novembre. L’équipe y présentera Bactail, un projet innovant pensé pour lutter contre l’antibiorésistance des bactéries, un problème qui pourraient tuer jusqu’à 10 millions de personnes d’ici 2050 si aucune solution n’est trouvée. Alors que la fin de l’aventure se profile, Charlotte Duteil (Sup’Biotech promo 2021), étudiante en 5e année et responsable du pôle Laboratoire de l’iGEM IONIS, fait le point entre deux expériences menées.
Charlotte Duteil
Où en est le projet Bactail aujourd’hui ?
Charlotte Duteil : Nous sommes dans la dernière ligne droite avant le « wiki freeze » du 27 octobre, soit la date fixée par l’iGEM jusqu’à laquelle nous pouvons encore modifier le « wiki » de notre projet, site qui fera partie des éléments jugés par le jury. Il ne nous reste donc qu’une poignée de jours pour obtenir de nouveaux résultats en laboratoire. De ce fait, Elliot Coquerel, Lucie Pesenti et moi-même travaillons activement pour pousser au maximum les trois différentes phases de notre projet. Le but est de pouvoir créer une preuve de concept pour chacune de ces phases.
Quelles sont ces phases ?
Toutes ces phases reposent sur l’assemblage de parties d’ADN selon un objectif bien précis. La première phase a pour but de reconnaître et se lier à une bactérie pathogène. Il s’agit de créer un système d’ingénierie autour de notre bactérie modèle lui permettant de cibler et de se lier à une autre bactérie pathogène et résistante aux antibiotiques. La deuxième phase consiste à sécréter des peptides antimicrobiens afin de lyser la bactérie reconnue par la phase 1. Enfin, la troisième phase serait de détruite notre bactérie, un organisme génétiquement modifié, pour empêcher sa dissémination dans l’environnement. Il s’agit d’un système qui s’appelle le « Kill Switch ».
Qu’entends-tu par lyser ?
Dans notre cas, nous utilisons des composants de défense (des peptides antimicrobiens) qui viennent déstabiliser la membrane de la bactérie cible pour ensuite la détruire.
Quel est ton rôle en tant que responsable du pôle Laboratoire ?
Je m’occupe de tout ce qui se passe dans le laboratoire en m’assurant que l’on ait le matériel nécessaire pour nos expériences et que ces dernières se passent bien. Je suis aussi en relation étroite avec l’école pour toutes les questions administratives liées au laboratoire.
Les derniers travaux réalisés en laboratoire concrétisent-ils l’ambition du projet ? L’idée est-elle viable ?
Pour que l’idée soit véritablement valable et validée, il nous faudrait plus de temps encore que celui imparti dans le cadre de la compétition ! Cela nécessiterait davantage de recherches et de tests. Toutefois, nous sommes constamment en contact avec différents chercheurs et « advisors » qui encadrent notre projet et nous donnent énormément de conseils. Cette relation nous permet d’opérer de nombreuses optimisations par rapport au début de l’aventure. Les choses avancent donc bien ! Par exemple, nous avons découvert dans des articles scientifiques que certaines parties d’ADN étaient responsables de la reconnaissance de bactéries pathogènes. Nous avons commandé ces parties pour les insérer dans nos bactéries pour la phase 1. Puis, après des discussions avec des chercheurs, nous avons compris qu’il valait mieux procéder d’une autre manière et changer notre construction. Nous avons alors recommandé de l’ADN pour essayer de nouvelles méthodes.
Lucie et Elliot, les deux autres membres du pôle Laboratoire
C’est aussi ça, l’intérêt de l’iGEM : le fait de pouvoir réfléchir et appréhender de nouvelles approches…
Exactement ! Ce travail est vraiment passionnant, tout comme le fait de pouvoir échanger avec des étudiants du monde entier. D’ailleurs, pour la phase 3 de notre projet, nous menons une collaboration exceptionnelle avec l’équipe de l’Indian Institute of Science Education and Research (IISER) de Tirupati qui travaille aussi sur un système Kill Switch. Cette équipe travaille depuis des mois sur la partie théorique et Elliot, en charge de cette phase, communique étroitement avec elle pour mettre en place les protocoles pour le laboratoire. C’est d’autant plus important que cette équipe, en raison du confinement, n’a pas accès à son propre labo ! Elliot s’occupe donc de toutes les manipulations. C’est un sacré challenge pour lui car il doit s’adapter en permanence malgré la différence de fuseaux horaires !
En parlant de l’International, votre équipe a eu l’occasion de participer à un Worldwide Virtual Meetup au mois de septembre. Qu’apporte ce genre d’événement ?
Ce sont des moments d’échanges, où chaque équipe peut présenter son projet. L’échange, c’est aussi ce qui caractérise l’iGEM. Certes, les équipes travaillent toutes dans leur coin sur leur projet, en France comme dans le monde entier, mais la compétition nous encourage aussi à organiser ou participer à ces événements, pour découvrir ce que chacun fait, discuter, partager des idées… Cet aspect est encore plus important cette année vu que la finale ne se déroulera pas à Boston en présence de toutes les équipes, mais uniquement en ligne à cause de la Covid-19. D’habitude, c’est lors de ce grand rassemblement que l’on découvre tous les projets, que l’on se rencontre. Il a donc fallu trouver d’autres moyens pour se connecter à défaut de pouvoir se réunir à Boston !
Justement, cela n’a pas dû être simple de développer le projet avec le confinement et la Covid-19…
C’était compliqué, oui, mais cela a aussi rendu l’aventure encore plus incroyable à vivre ! En effet, au début du confinement, nous n’avions pas encore de projet défini. L’idée est arrivée durant cette période, à distance, via des vidéo-conférences. Et finalement, une fois le confinement levé, nous sommes tout de suite allés en laboratoire avec plein d’expériences à mener ! C’était un défi supplémentaire à relever.
Au mois de juin, vous avez réussi votre campagne de crowdfunding et ainsi récolté 5 000 euros. À quoi a servi cette manne financière ?
Cela nous a permis de nous autofinancer. Grâce à ce crowdfunding, nous avons pu payer les frais d’inscriptions assez élevés et acquérir tous les consommables pour nos expériences en laboratoire. Ces produits étant très spécifiques et techniques, leur coût se veut assez important. Sans le soutien des contributeurs, cela aurait été bien plus difficile ! Nous les remercions encore !
Vous avez aussi pu compter sur le soutien de différents partenaires, non ?
Bien sûr ! Nous avons plusieurs sponsors, notamment différents fournisseurs de laboratoires, pour nous livrer du matériel et d’autres aides très utiles, comme des logiciels spécifiques pour la construction théorique de la partie pratique du projet. Certains sponsors nous ont aussi soutenus dans le cadre d’événements que nous avons organisés, en nous permettant par exemple d’offrir des lots à gagner pour la tombola proposée lors de la semaine iGEM qui s’est déroulée sur le campus de l’école.
Les 21 et 23 octobre, vous organisez des événements dédiés à la biologie de synthèse pour les étudiants comme le grand public. Pourquoi ?
D’abord pour faire connaître ce domaine assez jeune et donc encore peu connu en France. C’est aussi l’un des buts de l’iGEM que de faire parler de la biologie de synthèse. D’ailleurs, un des critères de la compétition concerne la capacité des équipes à faire de la communication scientifique. Enfin, on profite aussi de ces événements pour parler de notre projet, de notre expérience…
La finale se déroulera du 14 au 22 novembre. Êtes-vous confiants dans vos chances d’obtenir une médaille ?
Si on croise les doigts et que tout continue à bien se passer, je vais dire que oui ! Dans tous les cas, nous sommes déjà fiers de nous et du chemin parcouru au vu des circonstances de cette année si particulière. Nous avons réussi à poursuivre l’aventure et ça, c’est déjà beau !
Enfin, à titre personnel, est-ce que l’iGEM t’a donné des envies pour l’après Sup’Biotech ?
Étant en Majeure R&D, je voyais déjà l’iGEM comme une bonne opportunité de voir si la recherche dans ces conditions pouvait vraiment me plaire ou non. En effet, lors de l’iGEM, on est bien moins encadrés que lors de nos travaux pratiques pendant nos années à Sup’biotech. Là, même si c’est un travail d’équipe, j’ai pu être en charge de mon propre projet et j’ai appris à me débrouiller. Pourquoi pas poursuivre avec une thèse à l’issue de ma 5e année !
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L’équipe iGEM IONIS 2020 au complet