Dépolluer l’air du métro avec des algues ? Le pari du projet innovant Undergreen !
Lauréat de l’édition 2023 de l’Innovation Challenge Day, le concours qui met en lice les SupBiotech Innovation Projects (SBIP) portés par les étudiants de 3e et 4e années, Undergreen est un projet innovant qui ne manque pas d’air, dans le sens où il cherche avant tout à le dépolluer via les biotechnologies, en particulier dans le métro. Comment ? En s’attaquant aux particules fines à l’aide de microalgues.
Connaissez-vous les PM2.5, PM5 et PM10 ? Derrière ces appellations abstraites se cachent les noms de très fines particules pouvant pénétrer dans les vaisseaux sanguins et enclencher des processus de mort cellulaire ou provoquer des problèmes pour la santé. « Ces particules fines sont des agrégats complexes d’autres composés en suspension dans l’air – sulfates, nitrates, ammoniac, chlorure de sodium, etc. », explique Caroline Martin, cheffe de projet et responsable R&D au sein de l’équipe Undergreen.
Noâ Bellaïche, Eléonore Oberthür, Marion Redaud, Léa Tantet, Eloïse Waserman et donc Caroline Martin, toutes étudiantes de la promotion 2024, travaillent ainsi depuis bientôt quatre ans maintenant sur le développement d’un filtre naturel permettant justement de s’attaquer à ces dangers non visibles à l’œil nu – ainsi qu’au CO₂ – que l’on croise pourtant chaque jour sans le savoir, en particulier si l’on arpente les couloirs du métro.
Dépolluer l’air du métro : un sujet plus que d’actualité
L’idée d’Undergreen est née en 2020 alors que les six futures ingénieures discutent ensemble pour définir leur SBIP à amorcer durant leur 2e année à SupBiotech. « C’est en échangeant et en sautant de sujet en sujet que l’on est arrivé à définir une idée un peu plus précise du projet, se remémore Caroline. Au départ, nous pensions plutôt à dépolluer les maisons et donc à s’attaquer aux aldéhydes, mais c’est finalement un échange avec un tuteur de SupBiotech travaillant justement sur les trains grande ligne qui nous a poussées à nous concentrer sur la pollution ferroviaire et en particulier à celle du métro, même si notre approche peut aussi s’appliquer à d’autres environnements clos comme les grands tunnels routiers, ces derniers étant impactés par la pollution automobile qui émet le même type de particules fines. » Une piste de réflexion qui se révèle encore plus pertinente aujourd’hui alors que de plus en plus d’articles de presse sortent ces dernières années pour aborder ce véritable problème de santé publique, à l’image de la récente enquête de Franceinfo sur des mesures réalisées dans les stations du métro parisien. « D’ailleurs, il y a une réelle volonté d’améliorer la situation et la Région Île-de-France avait même récemment lancé un appel à projet afin de combattre cette pollution », note la cheffe de projet.
Les algues et le biomimétisme pour trouver une solution
Actuellement en train de finaliser leur preuve de concept en R&D, les étudiantes à l’origine d’Undergreen se sont inspirées du vivant pour imaginer ce filtre en faisant appel à un mix de microalgues efficace et durable. « Nous nous sommes naturellement tournées vers le biomimétisme car nous baignions déjà dedans et, très rapidement, nous nous sommes intéressées aux algues, souligne Caroline. Dès lors, nous avons alors pris la décision de constituer un grand document répertoriant toutes les algues que l’on trouvait au fur et à mesure. » L’équipe se retrouve alors rapidement à la tête « d’une vraie bibliothèque recensant toutes les caractéristiques de chaque algue » – mode de culture, capacités à absorber les polluants et le CO₂… – où toutes les données sont « vérifiées à partir d’un grand nombre de sources scientifiques ». Un travail de recherche bibliographique de titan qui, associé à la découverte d’articles scientifiques intéressants sur les co-cultures, ont permis à la formation de cibler les algues et cultures les plus pertinentes afin d’ensuite passer à la pratique et à la phase d’expérimentation en laboratoire.
Les laboratoires de SupBiotech pour façonner l’innovation
Au fil de son développement, l’innovation d’Undergreen est passée par de nombreuses étapes de tests. « On a d’abord travaillé la culture avec de la lumière de synthèse étant donné que la solution a vocation à être déployée dans le métro et donc dans un environnement en majorité complétement fermé à part l’exception de quelques stations, puis nous avons ensuite réalisé d’autres observations avec cette fois de la lumière naturelle pour constater les différences. » Une fois la preuve que leur mix de microalgues fonctionnait très bien avec la lumière de synthèse, les futures ingénieures se sont attelées à reproduire l’environnement pollué dans un milieu clos avec une propulsion de particules, là encore avec succès. Désormais, la prochaine étape, prévue d’ici la fin d’année 2023, les verra reproduire ce même environnement pollué en y intégrant cette fois-ci les microalgues. « Cela nous permettra de voir comment cet environnement va influer sur leur croissance et comment elles vont absorber cette pollution, ce qui servira à mesurer l’efficacité de notre solution. »
« Proposer une solution qui soit durable et verte »
En plus de travailler à la finalisation de leur preuve de concept, les coéquipières pensent déjà à la potentielle application de la solution sur le terrain, comme le futur système de pompage du milieu aqueux où se trouvent les algues. « On utilisera un système peu énergivore, toujours dans le but de pouvoir proposer une solution qui soit durable et verte sans green washing, assure Caroline. C’est un point important à nos yeux qui nourrira prochainement notre réflexion sur le passage du projet à l’échelle suivante. » En parallèle, l’équipe avoue également vouloir participer à un concours pour défendre son projet dans les mois à venir. « Ce serait une bonne façon de le mettre encore plus à l’épreuve, d’obtenir des retours intéressants et de nous offrir une belle expérience car nous nous sommes toutes beaucoup investies dedans ! Nous avons la chance de constituer une équipe vraiment très soudée ! »
Un vrai savoir-faire acquis sur la question des microalgues
Enfin, Undergreen ne s’interdit pas d’aller à la rencontre des professionnels ni de penser à décliner son dispositif en cas de nouveau marché intéressant à conquérir. « Des particuliers qui mesurent déjà le niveau de pollution chez eux nous ont déjà fait part de leur intérêt », déclare Caroline. Mais même si ce « clin d’œil » à la genèse du projet amuse l’étudiante, elle préfère tempérer un éventuel virage : « Pour l’instant, on se focalise sur la lutte contre la pollution dans le métro. Toutefois, adapter notre solution à cette pollution de l’intérieur des maisons, avec l’intégration de bons capteurs et la réalisation de nouvelles mesures pour voir s’il faut éventuellement faire appel à d’autres microalgues que celles actuellement utilisées, ne devrait pas être un problème puisque nous avons la méthode et le savoir-faire à présent. » Quant à la question de l’entrepreneuriat, il est encore trop tôt pour la poser. « Ce n’est pas d’actualité : nous avons toutes besoin de faire nos preuves et de voir d’autres choses après la fin de notre cursus d’ingénieurs à SupBiotech avant d’éventuellement revenir sur le projet pour en faire une entreprise. Mais cela reste une éventualité pour l’avenir, d’ici quelques années ! »
Les SBIP, une aventure innovante, professionnalisante et collective pour les ingénieurs
Qu’Undergreen devienne ou pas une start-up à succès comme d’autres anciens SBIP (Azuvia, Cearitis, STH Biotech, Digi’Skin…) n’est finalement pas le plus important aux yeux de Caroline et de ses camarades, déjà fières du chemin parcouru et du travail accomplis. « Monter un vrai projet en équipe, par nous-mêmes, et voir le fruit de ce travail évoluer en fonction de l’intérêt, du temps et de l’investissement qu’on y met, c’est passionnant, assure Caroline. Nous sommes vraiment fières de de ce qu’on a pu ainsi faire avec Undergreen, un projet qu’on voit réellement naître et grandir. Certes, le chemin des SBIP peut parfois être semé d’embûches car on n’est jamais à l’abri de devoir changer de projet en cours de route ni de devoir cibler un autre marché, mais nous avons eu la chance de ne pas vivre ce genre d’obstacles et de voir nos expériences très bien fonctionner ! ».