Actuellement en mission pour la NASA, Cyprien Verseux (Sup’Biotech promo 2013) répond à vos questions !
Dans le cadre d’une mission de la NASA, Cyprien Verseux (Sup’Biotech promo 2013) est actuellement isolé avec cinq autres scientifiques pour simuler ce que peut être la vie sur Mars. Avant son retour prévu pour l’été 2016, Sup’Biotech vous propose de lui poser directement vos questions sur cette belle aventure. Pour cela, il vous suffit de les envoyer par email à [email protected] avec pour objet « Cyprien on Mars » et accompagné de différentes informations (nom, prénom, âge et fonction -étudiants, collégiens, lycéens, professionnel, etc.). Aujourd’hui, découvrez les questions d’Adrien, David, Emmanuel, Inès et Pauline !
« Quelles activités quotidiennes ou habitudes se sont révélées difficiles à poursuivre au jour le jour dans ce milieu clos et dénué d’intimité ? Qu’est-ce qui te manque le plus au quotidien ? » Question d’Adrien.
La réponse de Cyprien : J’ai l’habitude de courir et de nager en extérieur (il y a un lac volcanique près du dernier appartement où j’ai habité). Ça n’est évidemment pas possible ici. On a un tapis de course, mais ça n’est pas la même chose. De façon plus générale, je ne peux poursuivre aucune activité en extérieur. Certaines de mes habitudes les plus banales sont aussi modifiées. Par exemple, la façon dont je me lave : je ne prends que deux douches froides d’une trentaine de secondes par semaine.
En-dehors de mes amis et de ma famille, ce qui me manque le plus, c’est le manque de nouveauté et d’inattendu, ainsi que le fait de ne jamais être à l’extérieur. J’aime rencontrer de nouvelles personnes, faire des choses que je n’ai jamais eu l’occasion d’essayer auparavant et les surprises qui donnent une dimension inattendue aux journées. D’ordinaire, j’aime également passer du temps dehors : courir dans la nature, nager dans des lacs et dans la mer, sauter en parachute, camper en montagne… Cela fait trois mois que je n’ai pas été exposé à l’air libre ou au soleil directement.
« À quoi ressemble une journée type ? » Question de David.
La réponse de Cyprien : Notre emploi du temps est très proche de ce que sera a priori celui des premiers explorateurs sur Mars : nous passons nos journées entre la recherche scientifique, l’entretien de l’habitat, le sport et la communication avec l’équipe de support et le public. Par contre, les journées sur Mars sont un peu plus longues que sur Terre : elles durent 24 h 37 min. Ça n’est pas reproduit ici et c’est dommage : vu notre charge de travail, une demi-heure de plus par jour serait bienvenue. Nous essayons quand même de garder un peu de temps chaque jour pour nos loisirs. J’apprends le russe et m’améliore dans d’autres langues, mais aussi dans différents domaines : la salsa, le code morse, le dessin et l’ukulélé. L’un des avantages de l’ukulélé par rapport à une guitare, c’est que personne n’a d’attentes lorsque vous le sortez. Un gros plus pour moi parce que, pour ce qui est de la musique, je n’ai pas franchement un talent inné.
« J’ai vu le film Seul sur Mars et, forcément, j’ai pensé à vous, d’autant que le héros fait pousser des patates sur place. Du coup, est-ce que c’est possible car cela a l’air assez simple finalement ? » Question d’Emmanuel.
La réponse de Cyprien : La photosynthèse est possible sur Mars, à condition que les organismes photosynthétiques soient dans des compartiments pressurisés et protégés des rayons ultraviolets. Il y a du CO2 dans l’atmosphère à un niveau plus élevé que sur Terre (ce qui augmente les rendements de photosynthèse), de l’énergie solaire (environ 43 % en moyenne de celle qui atteint la Terre) qui pourrait être apportée aux cultures en utilisant des filtres (qui laissent entrer la lumière mais bloque les ultraviolets), des LEDs ou des fibres optiques et de l’eau sous différentes formes. Par contre, les plantes ont également besoin de minéraux et d’azote fixé. Les apporter comme le fait le personnage principal de Seul sur Mars est a priori possible. Simplement, ce n’est pas une solution à long terme : si vos plantes sont nourries à partir d’excréments, eux-mêmes produits à partir de ces plantes, certains nutriments tournent en boucle et, comme on ne peut pas avoir une efficacité de recyclage à 100 %, la quantité de nourriture qui peut être produite diminue au cours du temps.
Pour avoir un système de production durable, il faut qu’il soit basé sur des ressources locales. La solution pour transformer les minéraux et l’azote de Mars en une forme utilisable par les plantes pourrait être d’utiliser des cyanobactéries, soit des bactéries vertes qui, comme les plantes, font de la photosynthèse. Elles pourraient a priori fixer l’azote de l’atmosphère pressurisée et extraire les minéraux des roches, dont les plantes pourraient ensuite se nourrir.
Un autre désavantage est le besoin de reproduire des conditions proches de celles de la Terre, ce qui est difficile à grande échelle. Mais les cyanobactéries peuvent supporter des conditions bien plus proches de celles de Mars (par exemple, à basse pression atmosphérique) et pourraient être cultivées à plus grande échelle pour fournir de la nourriture riche en protéines ainsi que de l’oxygène.
Finalement, les sels toxiques de perchlorate trouvés dans le sol martien pourraient être un problème, mais on ne sait pas jusqu’à quelle profondeur on en trouve ; peut-être que les concentrations diminuent rapidement avec la profondeur. Quoi qu’il en soit, des méthodes utilisées sur Terre pour éliminer le perchlorate pourraient être utilisées sur Mars. Le perchlorate n’est donc pas un obstacle insurmontable à la production de nourriture sur Mars. Si supprimer le perchlorate du sol est trop coûteux énergétiquement (ou pour d’autres raisons), des systèmes hydroponiques pourront être utilisés.
« As-tu eu des restrictions ou régimes alimentaires spéciaux pour participer à cette mission ? » Question d’Inès.
La réponse de Cyprien : Toute la nourriture que nous avons en stock est longue conservation : viande séchée, fruits séchés, légumes séchés, lait déshydraté, boîtes de thon, farine, pâtes etc. Avec un peu de créativité, on peut en tirer des plats corrects. Nous avons aussi apporté avec nous différents microbes qui nous permettent de transformer la farine et le lait déshydraté en pain, en fromage frais, en fromage blanc et autres produits fermentés. De temps en temps, on a quelques légumes frais du laboratoire. Ça n’est pas de la grande gastronomie mais, de façon générale, je mange mieux que pendant mes années d’étudiant fauché !
« J’ai lu sur ton blog que l’on doit te prélever des cheveux pour étudier tes hormones de stress. Pourquoi ? » Question de Pauline.
La réponse de Cyprien : Pour voir comment notre stress évolue au fil de la mission. Les échantillons qu’on prélève dépendent de l’échelle de temps à laquelle on veut voir notre stress. Prélever de la salive permet de voir notre niveau quasi-immédiat de stress, l’urine permet de connaître notre stress dans les derniers jours et les cheveux dans le dernier mois.
Pour suivre les aventures de cet Ancien au cœur de la mission HI-SEAS, rendez-vous sur son blog Walking on Red Dust qu’il alimente régulièrement (en anglais et en français) ainsi que son profil Twitter.