Conférence : quand Sup’Biotech et le Genopole explorent la biologie de synthèse

Ce mardi 26 mars au Campus Numérique et Créatif Paris Centre du Groupe IONIS, Sup’Biotech et le Genopole s’associaient pour organiser une conférence interprofessionnelle sur la biologie de synthèse. Un sujet qui intéresse un grand nombre d’acteurs des biotechnologies, de la biologie et de la chimie, des industriels aux investisseurs en passant par les chercheurs, les entrepreneurs et, évidemment, les étudiants. L’occasion de tirer quelques enseignements grâce à la présence de certains d’entre eux lors de l’événement.


Frédérique Buil, directrice des Relations Entreprises de l’école et Anne Pezet, journaliste en charge d’animer la conférence

Les origines de la biologie de synthèse 

Pour Jean Marc Grognet, directeur général de Genopole, pour lequel la biologie de synthèse fait partie des axes de développement majeurs aux côtés de la médecine personnalisée, des thérapies innovantes et de la génomique numérique, ce domaine tente d’abord de répondre à des questions quasiment existentielles. « Historiquement, le premier questionnement ayant amené la recherche fondamentale à s’intéresser à la biologie de synthèse porte sur cette machinerie qu’est l’ADN et sa structure chimique. Est-ce que cette dernière est due au hasard ou est-ce la meilleure solution existante ? Cela a déjà amené des chercheurs à effectuer de nombreux tests, parfois contestés, comme celui de changer le phosphore dans l’ADN par l’arsenic, pour voir si cela était possible. L’autre questionnement concerne le code génétique en lui-même. Ce code comprenant 64 codons est-il le plus efficace ? Quel serait le code minimal comprenant une vingtaine de codons ? Cela, ça marche. On a vu que l’on pouvait faire travailler des cellules avec moins de codons. Vient ensuite un troisième questionnement : peut-on travailler avec autre chose que les quatre bases A, C, T et G de l’ADN (l’adénine, la cytosine, la thymine et la guanine) ? Cela a donné lieu à des travaux pour les remplacer, les augmenter, les diminuer… et des avancées ont été réalisées. Au fond, tout cela peut être résumé à une question bien plus large : quelle est la limite de la vie ? Est-ce que tout est prédestiné ? » À ses yeux, la biologie de synthèse et les biotechnologies peuvent ainsi permettre de mieux comprendre l’origine du monde et son futur… et également de répondre à des défis toujours plus importants, comme ceux liés à l’écologie et à la pénurie annoncée des énergies fossiles. « Il est clairement envisageable d’un point de vue quantitatif de remplacer tous les carbones fossiles dans la chimie par des carbones biosourcés. Et si ce n’est pas possible encore pour le moment, cela le sera sûrement à l’horizon 2040, grâce peut-être aux étudiants de Sup’Biotech ! »


Jean Marc Grognet, directeur général de Genopole

Biologie de synthèse ou biotechnologies industrielles ?

Société « 100 % française » créée en 1943 et rattachée à Air Liquide depuis 1986, SEPPIC est spécialisée dans la fabrication et la vente d’ingrédients et d’excipients pour les entreprises de différents secteurs (pharma, cosmétique…). Disposant d’une centaine de personnes entièrement tournées vers l’innovation et de quatre centres de recherche (dont notamment un à Castres, où se trouve sa principale usine), elle préfère davantage parler de biotechnologies industrielles que de biologie de synthèse. « Nous travaillons plutôt sur les biotechnologies bleues (exploitation des ressources marines), blanches (substances biochimiques, biomatériaux et biocarburants) et un peu vertes (agriculture et alimentation), explique Régis Marchand, son responsable développement et lean innovation. Elles peuvent apporter la création de molécules à haute valeur ajoutée, permettant de meilleures performances, ce que la chimie fait plutôt peu ou mal. Et l’autre point important de notre métier, c’est le respect de la biodiversité. Par exemple : nous allons chercher des plantes au bord de mer, soumises à du stress notamment salin et assez rares. Grâce aux biotechnologies, nous pouvons reproduire leurs cellules ! »


Régis Marchand, responsable développement et lean innovation chez SEPPIC

Succès et logique de marché

Selon les experts réunis lors de cette conférence, la biologie de synthèse a déjà permis un certain nombre de progrès. Ainsi, dixit Jean Marc Grognet, un « être vivant » a déjà été créé à partir de la synthèse. « Cela a été fait, une fois, au début du 21e siècle, via la synthèse totale du génome du virus de la Polio, capable ensuite de se répliquer dans d’autres cellules. Certes, on ne sait pas trop si un virus est vivant ou pas, mais cela démontre l’état des travaux en la matière. » Le représentant du Genopole donne d’autres exemples notables. « Une révolution a eu lieu dans les années 1980 : pouvoir créer de l’insuline humaine ! Jusqu’alors, c’était de l’insuline de porc. Mais désormais, l’insuline sur le marché est 100 % humaine. Idem pour les hormones de croissance, qui ne sont plus extraites à partir d’hypophyses de cadavre aujourd’hui, et les anticorps monoclonaux permettant de créer des produits d’immunothérapie. Ce qui appartenait à des « bêtes de labo » il y a 30 ans est devenu extrêmement courant. »

Mais les grandes évolutions et tendances sont aussi liées à la capacité des industriels à développer des projets d’envergure. C’est ce qu’explique Régis Marchand. « La recherche sur les biocarburants, notamment via la filière des microalgues, a été très importante. Mais depuis, beaucoup d’entreprises, pourtant avec de gros investissements, se sont cassées la figure ou se sont reconverties. » La raison de ce changement de braquet est simple : quand le baril de pétrole est à 150 dollars, les entreprises se tournent naturellement davantage vers la biologie de synthèse. Mais quand le prix du baril baisse drastiquement, les investissements deviennent aussitôt plus restreints.  « Ces fluctuations génèrent des difficultés », affirme ainsi Régis Marchand.


Manuela Falempin, directrice développement chez METabolic EXplorer SA

Valérie Brunel, directrice générale d’Abolis Biotechnologies

La France, un terreau pour les entreprises…

En plus de SEPPIC, d’autres entreprises françaises tirent leur épingle du jeu en matière de biologie de synthèse. C’est notamment le cas de METabolic Explorer et Abolis Biotechnologies, respectivement représentées lors de cet événement par Manuela Falempin, directrice développement et Valérie Brunel, directrice générale.

« La société METabolic Explorer a été créée en 1999, détaille Manuela Falempin. Et quand je l’ai rejointe en 2011, j’ai pris part à une PME et un petit groupe d’aventuriers bien décidés à remplacer le pétrole. Aujourd’hui, l’entreprise représente 70 personnes qui développent justement des procédés de fermentation pour des moyens de productions alternatifs au pétrole. Nous croyons que la fermentation est la meilleure réponse aux attentes actuelles pour servir les populations de plus en plus importantes et sans impacter la biodiversité. D’ailleurs, nous assistons à une grande croissance des produits d’origine naturelle ces dernières années. Quant à nos ingrédients à destination des entreprises, ils reposent sur trois piliers : la performance, en ciblant des molécules surperformantes à l’usage, le Pétro-BDO (bio matériaux pour synthétiser le polyester avec des performances accrues) et le Pétro-Méthionine (un acide aminé utilisé dans la nutrition animale). Un exemple de l’importance de la biologie de synthèse, c’est justement la création de Pétro-BDO avec fermentation : depuis son introduction sur le marché, la production par voie pétrochimique de Pétro-BDO s’est arrêtée ! »

Créée en 2014 et lauréate de plusieurs prix et concours (Genopole en 2013, iLAB en 2015, CMI Phase I en 2014 puis Phase II en 2017), la start-up Abolis emploie quant à elle 25 personnes dans le secteur de la bioproduction de molécules pour la chimie fine avec une spécialisation dans les biotechnologies blanches. « Nous avons la volonté de vouloir transformer l’industrie chimique en apportant d’autres solutions via de nouveaux outils, souligne Valérie Brunel. Notre mission est de développer des bioprocédés de fermentation. On part de la molécule que souhaite le client et l’on va créer un bio organisme capable de la créer. Nous avons aussi des projets pour créer de nouvelles molécules. Le but ? Offrir aux industriels des alternatives viables à partir de ressources renouvelables et ainsi contribuer à la nécessaire transition de la pétrochimie vers la biochimie. La finalité est de permettre une autre façon de produire des produits de grande consommation car un retour en arrière n’est plus possible. »



Lucas Bourmancé et Ambre Leleu (Sup’Biotech promo 2020), membres de la nouvelle équipe inter-écoles iGEM IONIS en lice pour l’iGEM 2019

… et une place forte de la recherche et des formations

Selon Jean Marc Grognet, le potentiel de la France en matière de biologie de synthèse et sa position de 5e pays à l’échelle mondiale sur le sujet s’expliquent aussi par les nombreuses formations en la matière, comme celle des futurs ingénieurs Sup’Biotech. Un dynamisme que l’on retrouve chaque année via les nombreuses équipes étudiantes tricolores participant à l’iGEM, la plus grande compétition étudiante au monde dédiée à la biologie de synthèse dont la finale se déroule à l’automne à Boston aux États-Unis. Un avis partagé par Régis Marchand, même si ce dernier tient à apporter un bémol. « Oui, la France a un beau rôle à jouer en académique et au niveau des startups. Reste qu’il y a une difficulté de passer à l’échelle industrielle du fait d’un manque de structure. Historiquement, la France est un pays où la chimie a toujours été très forte, mais pour les biotechnologies industrielles, bien plus compliquées, beaucoup de paramètres sont à prendre en compte. Un exemple de frein, c’est la difficulté d’accéder à des substrats pas chers ! »


Peter Vanlaeke, Investment Manager Europe à Solvay, Guillaume Baxter, Senior Associate chez Sofinnova Partners et Anne-Marie Crétiéneau, maître de conférences à l’Université de Poitiers

L’importance de la collaboration et de l’investissement

Réunis autour d’une table-ronde lors de la dernière partie de l’événement, Peter Vanlaeke, Guillaume Baxter et Anne-Marie Crétiéneau sont notamment revenus sur l’importance de voir des rapprochements entre public et privé se réaliser pour le développement de la biologie de synthèse en France comme à l’étranger.  « Pour un groupe comme Solvay, composé de chimistes, avec des produits biosourcés ou transformés, on a besoin de partenaires, d’open innovation, et heureusement, on les trouve », affirme ainsi Peter Vanlaeke, vite rejoint par Anne-Marie Crétiéneau : « Pour créer ces espaces de collaboration, les grandes entreprises doivent jouer un rôle très actif. ».

Du côté de Sofinnova Partners, leader européen dans le financement de start-up, le constat est lui aussi clair : la biologie de synthèse est sur la bonne voie même s’il reste encore beaucoup à faire. « Il s’agit encore d’un domaine très récent, note Guillaume Baxter, lui-même biologiste de formation.  En 2002 par exemple, il n’y avait pas de publication scientifique comportant le mot clé « biologie synthétique » ! En 20 ans, il y a donc déjà eu du développement. D’ailleurs, chez Sofinnova Partners, on investit dans des projets très peu matures, via notamment des preuves de concept dans des laboratoires fondamentaux à travers l’Europe, notamment en Angleterre, en France et aux Pays-Bas qui sont au cœur de l’innovation dans ce domaine. Mais on n’a pas encore réussi à avoir des champions industriels. Aujourd’hui, les cloisons tombent : on travaille sur des secteurs très variés, de la santé à l’agriculture, et l’on a des opportunités qui se lèvent spontanément, par notre réputation. Dans l’idéal, nous préférons travailler l’idée de départ avec l’équipe qui la porte. Pour cela, nous allons à la rencontre des chercheurs, participons à des événements et essayons de créer un pool d’entrepreneurs. Surtout, on assiste de moins en moins à une forme de segmentation. Les scientifiques/chercheurs sont de plus en plus ouverts au business, à la communication. Souvent, dans les entreprises que l’on accompagne, le scientifique fondateur reste le CEO ! »

Et ce net regain d’intérêt pour l’entrepreneuriat se traduit également par de nombreuses initiatives, comme la création en 2017 par le Genopole des programmes Shaker et Booster. Le premier est imaginé pour accompagner des porteurs de projet pour tester leur preuve de concept et les préparer à la création d’entreprise, quand le second, sa suite logique, se tourne vers l’accompagnement de startups à fort potentiel de croissance dans l’optique d’une première levée de fonds. Un dispositif qui, comme l’a rappelé en fin de conférence Pauline Seiter (Sup’Biotech promo 2017), chargée d’affaires Genopole Entreprises, permet chaque année à de jeunes pousses de franchir un palier, comme Structurys, anciennement nommée BioShield, une start-up de revêtements anti-bio contamination portée par Quentin Bernard, Paul Caroen et Pierre Tourame (Sup’Biotech promo 2018) et d’abord née à l’école, en tant que Sup’Biotech Innovative Project (SBIP) !


Pauline Seiter, chargée d’affaires Genopole Entreprises

 

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