Les sciences humaines et sociales concernent aussi les Biotechnologies
« Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités ». Certes, les futurs ingénieurs en Biotechnologies n’ont pas de costume saillant à la Spiderman, mais leurs connaissances peuvent les amener à accomplir de grandes choses et donc à impacter le monde qui les entoure. C’est à ce niveau qu’interviennent les sciences humaines et sociales (SHS) dans le cursus de Sup’Biotech, portées par les équipes du Pôle Biotechnologies en Société (PBS) dont fait partie l’enseignante-chercheuse Cécile Vermot.
Laboratoire de sciences sociales créé à Sup’Biotech par Fabien Milanovic, son responsable, le PBS travaille sur les interactions entre les Biotechnologies et le social, un enjeu qui tend à occuper une place de plus en plus importante dans les formations proposées par les écoles d’ingénieurs. Membre du PBS depuis 2019, Cécile Vermot oriente justement ses recherches sur les liens entre les Biotechnologies et la mobilité ainsi que le genre, deux axes qu’elle a spécifiquement développés au fil de son parcours professionnel.
Comment définir cette notion de mobilité rapportée aux Biotechnologies ?
Cécile Vermot : C’est un sujet de recherche très large par nature ! En effet, il peut aussi bien concerner les mobilités de toutes les personnes travaillant dans le domaine des Biotechnologies – un médecin qui se déplace de ville en ville, un chercheur qui part dans un autre pays, etc. – que la migration des compétences et des techniques, comme les différences entre le Nord et Sud dans le développement des Biotechnologies. C’est donc un sujet passionnant, notamment parce qu’il intègre parfois une composante géopolitique : il est ainsi particulièrement intéressant de voir que Cuba est l’un des pays phares au niveau de la lutte contre la Covid-19 alors qu’il ne possède pas les mêmes infrastructures que d’autres nations plus importantes et qu’il n’a pas rejoint le programme Covax initié par l’ONU. Dans un autre registre, la mobilité peut aussi englober la question du transfert des organes humains, un sujet sur lequel Fabien Milanovic travaille justement en incluant la question des prélèvements et des biobanques. Cela peut également concerner les transferts de cellules et de sang, voire même de la procréation médicalement assistée (PMA) quand il s’agit de transporter du sperme. Les pistes de recherche sont très nombreuses !
Et quelle place occupe le genre dans vos recherches ?
Le genre, c’est spécifiquement la construction sociale des identités féminines et masculines. Il existe donc des féminités et des masculinités qui varient dans le temps et dans l’espace. D’où cette question : comment se définit-on homme ou femme dans une culture donnée à un moment donné ? Pour mes travaux, je peux ainsi être amenée à comprendre les innovations en Biotechnologies en prenant en compte le genre. Par exemple, peut-on parler de plafond de verre dans le domaine des biotechnologies ? Et ces innovations, sont-elles davantage pensées pour un genre en particulier ou si elles sont « mixtes » ? Savoir si l’on peut parler d’innovation genrée est un sujet qui m’intéresse. La sociologie autour du genre dans les Biotechnologies permet aussi de s’attarder sur le monde de l’entreprise pour voir si les postes importants dans le secteur sont davantage occupés par des hommes ou par des femmes ou constater, entre autres, les différences en la matière selon les pays. Là aussi, les pistes sont multiples.
C’est d’autant plus important pour une école d’ingénieurs comme Sup’Biotech qui a vocation à former des ingénieurs responsables et conscients de leur environnement.
Oui. Nous ne souhaitons pas que former des ingénieurs compétents : il faut que nos diplômés soient aussi en mesure d’avoir une capacité réflective par rapport à leur pratique de l’ingénierie. Ils doivent pouvoir avoir de la distance sur leur métier et comprendre l’impact et les répercussions sociales de leurs actions et des innovations qu’ils portent. Rappelons que ce n’est pas parce que les innovations biotechnologiques permettent de faire une chose que l’on est obligé de le faire ! Ainsi, la fabrication d’embryon chimérique humain-animal est, selon les pays, soit interdite soit très réglementée. Tout comme il existe des dispositifs juridico-éthique qui visent à encadrer la fabrication des cellules germinales d’embryons humains. La dimension juridique et législative est aussi importante quand il s’agit d’innovation. Il suffit de suivre les discussions autour de la gestation pour autrui (GPA) autorisée dans certains pays et pas dans d’autres, ce qui pouvait engendrer des situations complexes, avec des enfants nés à l’étranger de parents français qui n’étaient pas reconnus par la France. Ces innovations posent donc des questions éthiques, morales et juridiques que l’on aborde avec nos élèves.
L’apport du PBS et des sciences sociales est donc de montrer aux étudiants que les Biotechnologies ne sont pas juste « techniques », n’est-ce pas ?
Bien entendu. D’ailleurs, l’innovation est toujours politique et économique par essence, ne serait-ce que par les financements qui la rendent possible. Et les Biotechnologies soulèvent également beaucoup de questions éthiques. C’est à ce niveau que les sciences humaines et sociales peuvent jouer un rôle pour poser les bonnes questions et ouvrir le débat par rapport à ces innovations.
Pour en savoir plus sur le PBS, retrouvez sa page dédiée sur le site de la recherche de Sup’Biotech