Un nouveau traitement contre l’obésité
Par Adrien Callou, Yohann Dickx et Pauline Grisel, étudiants promotion 2013
L’obésité est définie comme une accumulation trop importante de tissu adipeux blanc pouvant nuire à la santé de l’individu. Elle est considérée comme une maladie depuis 1997 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ; c’est une maladie multifactorielle dont l’implication des facteurs génétiques et épigénétiques (environnement, hygiène de vie) est encore mal connue.
L’obésité progresse
L’obésité connaît une importante progression en France et dans le monde. En effet, le pourcentage de personnes obèses (indice de masse corporelle > à 30) était d’environ 6 % en France en 1985 et est passé à 15 % en 2001. Ceci étant dû à une augmentation de la « malbouffe » dans les pays développés où l’accès à la nourriture est très facile, chaque coin de rue possédant au moins un supermarché ou un restaurant. Dans le monde, l’OMS estimait à 400 millions le nombre d’adultes obèses en 2005 et en prévoit d’ici 2015 700 millions [1]. En plus de toucher un nombre de plus en plus important de personnes, l’obésité se répand parmi toutes les classes sociales et toutes les tranches d’âge, c’est pourquoi elle est considérée par l’OMS comme l’épidémie du siècle.
Les principales conséquences sur la santé liées à l’obésité sont une augmentation du risque de maladies cardio-vasculaires, telles que les cardiopathies et les accidents vasculaires-cérébraux, une augmentation du risque de développer un diabète et des troubles musculo-squelettiques dus à la surcharge pondérale [1].
L’ensemble de ces complications implique aussi une augmentation des dépenses de santé, à laquelle les individus et les pays ne peuvent faire face, d’où la nécessité d’un traitement adaptable à tous et ne nécessitant pas d’infrastructures ni de matériel spécialisés. Ceci appelle donc à la découverte de traitements médicamenteux, ou par d’autres techniques, contre cette maladie.
Il n’existe pas aujourd’hui de traitements définitifs contre l’obésité. En effet, les seuls moyens de lutte existants sont les différents régimes et l’activité physique qui, lorsqu’ils ne sont pas suivis, conduisent à une reprise de poids due à la tendance naturelle des adipocytes blancs à restocker les graisses. Les traitements médicamenteux développés jusqu’à présent ont quant à eux été abandonnés à cause d’effets secondaires trop importants. Il a été récemment découvert dans une étude publiée dans The New England Journal of Medicine qu’un autre tissu adipeux, le tissu adipeux brun, permettrait de lutter contre cette maladie.
Les graisses brunes : une nouvelle voie contre l’obésité
La communauté scientifique sait depuis plusieurs années que le tissu adipeux brun brûle les graisses, contrairement au tissu adipeux blanc qui les stocke grâce à une grande vacuole stockeuse de lipides. Ces graisses brunes sont caractérisées par une protéine spécifique : la thermogénine (ou UCP-1) qui serait responsable de la thermogenèse de ces graisses brunes, c’est à dire la « combustion » de lipides pour libérer de la chaleur. Ce tissu adipeux brun est bien connu chez les mammifères hibernants qui utilisent la production d’énergie sous forme de chaleur pour recouvrir peu à peu une température normale à la fin de l’hiver.
Récemment, les physiologistes pensaient encore que ces graisses brunes n’existaient que chez le nourrisson humain (3 ans maximum). Mais courant 2009, cinq études ont démontré que l’homme adulte possédait lui aussi des graisses brunes [2]. L’hypothèse de graisses brunes chez l’adulte est venue, non pas des physiologistes, mais des radio-oncologues qui utilisent l’imagerie médicale pour détecter la présence de tumeurs. En effet, nous savons que les cellules cancéreuses dégagent plus de chaleur que les cellules saines de part leur hyperactivité. Beaucoup de clichés d’imagerie montraient la présence de zones actives le long du cou ou des clavicules.
Ces zones actives étant réparties symétriquement des deux côtés du cou, divers articles de médecine du début des années 2000 ont émis l’hypothèse de la présence de tissu adipeux brun. Celle-ci a été confirmée grâce à la mise en évidence de la protéine UCP-1, caractéristique de ce tissu, qui prouve bien la présence de graisses brunes chez l’adulte [2]. L’identification de nouvelles molécules impliquées dans la régulation des différents tissus adipeux permet d’envisager un nouveau type de traitement contre l’obésité utilisant les propriétés particulières du tissu adipeux brun.
De nouvelles études
En janvier 2009, une étude [3] a été publiée dans la revue Nature qui mettait en évidence l’action d’une protéine particulière : ATF4 (Activating Transcription Factor 4). Ce facteur de transcription, lorsqu’il est inhibé, favorise l’expression de UCP1, 2 et 3 suggérant une augmentation de la thermogenèse. ATF4 favoriserait aussi la β-oxydation et donc une utilisation des graisses blanches par le muscle. Cette augmentation des dépenses énergétiques causée par ATF4 dans la régulation du métabolisme des lipides et de la thermogenèse permettrait donc aux personnes obèses de pouvoir maigrir sans faire de sport, leur mobilité étant réduite du fait de leur surcharge pondérale.
La société privée américaine Acceleron Pharma développe un médicament, actuellement en phase clinique 1 (première phase testant non pas encore l’efficacité du médicament, mais son action sur le métabolisme humain), basé sur la molécule ACE-435 qui inhibe la voie de signalisation de certains membres de la superfamille des TGFs (facteurs de croissance transformants) impliqués dans la différenciation du tissu adipeux blanc. Ce médicament favorise ainsi le développement du tissu adipeux brun qui, stimulé, conduit à une perte de poids.
Bien que la perspective de traiter l’obésité par l’utilisation du tissu adipeux brun soit prometteuse, les possibles médicaments sont au mieux en phase clinique 1, ce qui ne permet pas d’envisager un traitement avant plusieurs années. De plus, l’abondance du tissu adipeux brun étant une caractéristique physiologique, elle diffère chez chaque individu, ce qui laisse présager une efficacité différente chez chaque personne. Enfin, l’obésité étant une maladie multifactorielle, le fait d’intervenir sur l’un des facteurs ne permettrait pas nécessairement de la traiter de manière définitive.
1) OMS, http://www.who.int/fr
2) Chunxia Wang et al., ATF4 regulates lipid metabolism and thermogenesis, NATURE, 12 janvier 2010
3) M.C. Zingaretti et al., The presence of UCP1 demonstrates that metabolically active adipose tissue in the neck of adult humans truly represents brown adipose tissue, FASEB J., 23, 3113 ; W.D. van Marken Lichtenbelt et al., Cold-Activated Brown Adipose Tissue in Healthy Men, N. Engl. J. Med., 360, 1500 ; A.M. Cypess et al., Identification and Importance of Brown Adipose Tissue in Adult Human, N. Engl. J. Med., 360, 1509 ; K.A. Virtanen et al., Functional Brown Adipose Tissue in Healthy Adults, N. Engl. J. Med., 360, 1518 ; M. Saito et al., Brown, Fat in Humans: Turning up the Heat on Obesity Diabetes, 58, 1526, 2009.